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essaya de recommencer ce qui avait réussi contre les premiers Jacobins, elle cerna la salle le 23 messidor (11 juillet), jetant des pierres, sifflant, hurlant : « À bas les Jacobins ! » D’après le Moniteur du 25 (13 juillet), ceux-ci « sont sortis en criant : Mort aux chouans ! et ont repoussé les assaillants » qui n’osèrent pas recommencer.

Le 30 messidor (18 juillet), un médecin originaire de l’Aveyron, Victor Bach, prononça un discours où, après avoir poussé à réclamer avec insistance le châtiment des ex-directeurs, il demanda, entre autres réformes, l’impôt progressif. Après avoir rappelé les « ombres illustres des victimes de Vendôme », il laissa entendre, au point de vue immédiat, avec un oubli malheureux de la tactique plus intelligente de Babeuf et de ses amis (chap. xiii), qu’il y avait lieu « d’examiner si, dans un moment où tous les citoyens doivent prendre les armes pour la défense du territoire de la République, il n’est pas juste de les en reconnaître tous co-propriétaires ».

Les amis directs de Babeuf paraissent n’avoir pas commis la même faute de tactique que Bach, faute que commettent ceux qui n’ont pas le sens de la réalité, ceux qui ne savent pas, lorsque la réalité ne cadre pas avec leur idée, quelle que soit la valeur de celle-ci, voir les choses et les gens tels qu’ils sont. En politique, au moins autant qu’en n’importe quelle matière, on doit s’attacher à connaître, le plus exactement possible, les conditions du milieu, et l’idée arrêtée d’un but à atteindre ne saurait dispenser de s’adapter à ces conditions, bien au contraire. Parmi ces amis je citerai Félix Lepeletier et Pierre Dolivier.

Le premier, qui fut un des trois fondateurs du directoire secret des Égaux (voir chap. xiii), rédigea, en l’an VII, une sorte de programme immédiat adopté, le 18 thermidor (5 août 1799), par la réunion des Jacobins siégeant alors rue du Bac. Voici le texte de ce programme (revue la Révolution française, t. XXVI, p. 404-405) :

« Rétablir dans le gouvernement l’esprit démocratique ;

« Assurer la garantie et la liberté des sociétés politiques ;

« Rapporter toutes les lois contraires à la Constitution ;

« Établir une éducation égale et commune ;

« Donner des propriétés aux défenseurs de la patrie ;

« Ouvrir des ateliers publics pour détruire la mendicité ;

« Établir une chambre de justice qui fasse rendre gorge aux voleurs ;

« Faire une fédération générale ;

« Réprimer les monstrueux abus qui naissent des arrêtés du Directoire ».

Quelque opinion qu’on ait des divers articles de ce programme, on doit avouer qu’il n’était pas de nature à susciter la même émotion que celui de Bach.

Le second, choisi par Babeuf pour représenter la Seine-Inférieure (chap.