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rectoire pouvait, dans les vingt jours, déporter quatre des otages. Cette loi, dite des otages, que le détestable excès de sa rigueur rendait inexécutable, ne servit à rien. Persuadés que la République dégarnie de troupes ne pourrait résister à une action d’ensemble, les royalistes s’occupèrent d’organiser celle-ci et une vaste conspiration s’étendit à la France entière.

Le Sud-Ouest fut tout spécialement travaillé ; dans toute cette région, de Perpignan à Bayonne, il n’y avait pas plus de 4 000 soldats ; on jugea le moment propice. Des émigrés, des prêtres rentrés en cachette parcoururent le pays, déblatérant contre l’armée républicaine, recrutant leurs partisans parmi les conscrits réfractaires, parmi ceux qui la fuyaient, distribuant de l’argent. Dans le nombre de ces agitateurs royalistes, on cite un Bornier qui ne disait pas celui-là : « France… d’abord ! » un Villèle, un Puybusque : à chacun ils promettaient ce qu’il désirait, sans souci des promesses contradictoires, tablant, comme les nationalistes de nos jours et les cléricaux de tous les temps, sur la sottise de leurs dupes. Le 25 thermidor an VII (12 août 1799), le commissaire du Directoire à Pau écrivait aux ministres de l’intérieur et de la police que les bandes royales étaient prêtes à entrer en mouvement dans toute la région, qu’à l’exception d’un citoyen, l’administration centrale des Basses-Pyrénées était dévouée aux conspirateurs, que les prêtres réfractaires étaient rentrés en grand nombre, que Bagnères-de-Bigorre était rempli d’étrangers fort suspects, qu’on disait hautement qu’avant peu on aurait un roi, et que le massacre des républicains était fixé à la Saint-Barthélémy (Lavigne, L’insurrection royaliste en l’an VII, p. 215).

Dans la nuit du 18 au 19 thermidor (5 au 6 août), des soulèvements eurent lieu dans plusieurs communes de la Haute-Garonne, du Gers, de l’Ariège, de l’Aude, du Tarn, du Lot-et-Garonne, aux cris de : « Vive la religion ! Vive le roi ! ». Victorieux au début, les insurgés étaient bientôt au nombre d’une vingtaine de mille, mais heureusement sans discipline. Le 21 thermidor (8 août), ils étaient maîtres de plus de vingt cantons et, en dehors de quelques bandes éparses, ils formaient, au sud de Toulouse dont ils voulaient s’emparer, un arc de cercle avec leur droite à Caraman, leur centre à Muret et leur gauche à l’Isle-Jourdain. L’administration municipale de Toulouse et l’administration centrale de la Haute-Garonne prirent des mesures pour garder Toulouse et y concentrer les forces disponibles ; en divers endroits, la population républicaine se leva d’elle-même. Ce furent, par exemple, les républicains du Tarn qui, le 23 thermidor (10 août), enlevèrent Caraman aux insurgés et empêchèrent ainsi l’extension de l’insurrection de ce côté.

La veille, le général de brigade Aubugeois, sorti de Toulouse avec les troupes qui y étaient réunies, avait battu les insurgés à l’extrémité du faubourg Saint-Michel ; le 23 (10 août) il les battait de nouveau et, le 24 (11 août), après un nouveau succès, il entrait à l’Isle-Jourdain, coupant par là les com-