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prunt dont la souscription à caractère progressif serait imposée à « la classe aisée des citoyens », le Conseil des Cinq-Cents leva la permanence établie le 28 prairial (16 juin). Approuvées le lendemain par le Conseil des Anciens, dont la permanence cessa également ce même jour, ces résolutions devinrent la loi du 10 messidor an VII (28 juin 1799).

Le mode d’exécution des mesures formulées dans cette dernière loi fit l’objet de lois nouvelles. Ce fut une loi du 14 messidor (2 juillet) au point de vue militaire, et une loi du 19 thermidor (6 août) au point de vue financier, qui déterminèrent les détails d’exécution. La première complétée bientôt par d’autres ne donna tous ses effets utiles que quelques mois après, et Bonaparte devait en recueillir les bénéfices. La seconde était une réédition des lois du 20 mai 1793 et du 19 frimaire an IV-10 décembre 1795 (chap. xii) ; elle portait : « tous les citoyens aisés sont assujettis à l’emprunt de cent millions dans une proportion progressive de la fortune dont ils jouissent » ; étaient dispensés ceux qui payaient moins de 300 francs en principal à la contribution foncière ou de 100 francs à la contribution mobilière. Les traitements et salaires payés par l’État, qu’une loi du 1er thermidor (19 juillet) venait de réduire, n’entraient pas en compte ; les dettes justifiées par titres authentiques étaient déduites. Pour les diverses évaluations, la loi constituait un jury « composé de l’administration centrale et de six citoyens au moins ou de dix au plus pris parmi les contribuables de son arrondissement non atteints par l’emprunt, dont la probité, le patriotisme et l’attachement à la Constitution de l’an III garantissent la fidélité ». En outre de ce jury de taxation, la loi prévoyait un jury de revision « composé de douze contribuables non atteints par l’emprunt ».

Une résolution du Conseil des Cinq-Cents, du 17 messidor an VII (5 juillet 1799), qui suspendait, jusqu’à la conclusion de la paix définitive, le payement du supplément mensuel de 330 francs que les députés s’étaient octroyé (voir fin du chap. xvii, § 2), devait être une manifestation sans résultat.

Les ministres de l’ancien Directoire ne pouvaient évidemment pas être gardés par le nouveau. Avaient été remplacés le 4 messidor (22 juin), à l’intérieur, François (de Neufchâteau) par Quinette ; le lendemain, 5 (23 juin), à la police, Duval par Bourguignon ; le 11 messidor (29 juin), à la marine, Bruix qui, à la tête de la flotte française, n’était ministre que de nom (chapitre xix, § 2) par Bourdon ; le 14 messidor (2 juillet), à la guerre, Milet-Mureau par Bernadotte ; enfin, le 2 thermidor (20 juillet), à la justice, Lambrechts par Cambacérès ; aux relations extérieures, Talleyrand par Reinhard ; aux finances, Ramel par Robert Lindet ; et, le même jour, à la police, Bourguignon, installé depuis moins d’un mois, par Fouché.

Le parti royaliste vit, dans l’application de la loi sur la conscription, un moyen de recruter des adhérents. Ceux que le peuple appelait « des aristobêtes, des aristocruches » (Dufort de Cheverny, Mémoires…, t. II, p. 416),