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d’autorité et sur le zèle de ses agents pour avoir raison d’un état d’esprit qu’il attribuait plus à la propagande de ses adversaires qu’à sa propre conduite. Pour entraver cette propagande, le ministre de la police, par une circulaire du 6 nivôse an VII-26 décembre 1798 (Révolution française, revue, t. XXVI, p. 464), défendit à la poste de transporter un certain, nombre de journaux de l’opposition ; or des arrêtés du 2 nivôse an VI (22 décembre 1797) et du 7 fructidor (24 août 1798) interdisaient la circulation des journaux par une autre voie que celle de la poste aux lettres, et cette interdiction fut confirmée par l’arrêté du 26 ventôse an VII (19 mars 1799).

Les républicains qui attaquaient le Directoire furent en butte aux calomnies les plus odieuses. Le 23 pluviôse an VII (11 février 1790) il lançait contre eux une proclamation où il spéculait sur la peur ; dans un langage grotesque, il engageait les citoyens à se bien pénétrer « des principes tutélaires et conservateurs » qui devaient diriger leurs choix, et à élire des hommes éloignés « de cette exagération sulfureuse dont le poison… finit par dévorer la chose publique… vos biens, vos personnes ». Le 17 ventôse (7 mars), nouvelle proclamation assimilant, suivant un procédé malhonnête qui n’est pas passé de mode, l’opposition républicaine avancée à l’opposition royaliste, « c’est, disait-elle, la même main qui les paye et qui les dirige », et recommandant d’écarter « tous ceux qui ont figuré dans la réaction royale et dans l’atroce régime révolutionnaire ». Quelques jours avant, le 14 ventôse an VII (4 mars 1799), le ministre de l’Intérieur avait adressé une circulaire aux commissaires du Directoire près les administrations départementales pour leur ordonner de combattre les candidatures désagréables au gouvernement : « Les élections de l’an V furent dirigées par le royalisme dans plusieurs départements, et l’anarchie, gémissait-il, s’est emparée de celles de l’année dernière ». Afin d’obtenir cette fois un meilleur résultat, ces commissaires doivent éclairer « les Français sur les projets, sur les complots ourdis par une faction scélérate, et audacieuse » ; pour les éclairer, ils doivent épouvanter industriels, négociants, littérateurs, soldats, fonctionnaires, en leur montrant leur situation menacés par les « suivants de Robespierre et de Marat » (Moniteur des 28 pluviôse, 20 et 23 ventôse-16 février, 10 et 13 mars). Par contre, les faiblesses à l’égard des émigrés avaient recommencé. À ce sujet, Dufort de Cheverny (Mémoires…, t. II, p. 409), écrit le 4 avril 1799 ; « On m’assure qu’il existe autant d’émigrés à Paris qu’avant le 18 fructidor », et le 9 avril, en parlant de Duval, un des 22 Girondins (voir fin du chap. iii), qui, depuis le 8 brumaire an VII (29 octobre 1793), avait remplacé Le Carlier au ministère de la police : « Depuis qu’il est en place, les radiations montent à plus de quinze par décade ».

En outre de cette cynique pression électorale, les agents du Directoire essayèrent de recourir, de même qu’en l’an VI, au procédé des scissions ; on en vit, dans le Gers, ainsi que cela fut dénoncé à la tribune des Cinq-Cents le