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fois, p. 454), et de son assortiment de bénédictions, l’horrible bourreau de Varsovie dut se résoudre à la retraite.

Le 15 (7 octobre), il arrivait à Coire, où une partie de ses troupes l’avait précédé et où le reste le rejoignit après avoir éprouvé des souffrances inouïes. Le 19 (11 octobre), son armée, réduite de moitié, s’établissait à Feldkirch. Masséna avait sauvé la France d’une invasion : le nationalisme et le patriotisme des cléricaux et des royalistes français tombèrent dans le marasme ; dans une dépêche du 12 octobre 1799, de Précy appelle la première victoire de Masséna « la malheureuse affaire du 25 », et d’André écrit à Louis XVIII que « tout est remis en question (Dubois-Crancé, par Iung, t. II, p. 313), quand, pour la France, cela se termine bien.

Au nord de la Suisse, Korsakov, ignorant encore le sort de son chef, fit une tentative pour lui porter secours. Il avait avec lui le corps d’émigrés de Condé, à la solde de la Russie. Le 15 vendémiaire (7 octobre), il déboucha de Busingen, près de Schaffhouse, culbuta d’abord les Français, mais fut bientôt repoussé. Le même jour, nos troupes enlevèrent la ville de Constance aux émigrés de Condé, qui frappèrent patriotiquement à coups de sabre le « petit soldat » de l’époque ; leurs descendants exploitent tout aussi patriotiquement celui d’aujourd’hui au cri de « vive l’armée ». À la nouvelle de la victoire de Masséna à Zurich, l’archiduc Charles était accouru à Donaueschingen, d’où il chercha à combiner avec Souvorov un nouveau plan d’attaque. Les deux généraux ne purent se mettre d’accord, les Russes étant plus disposés à récriminer contre les Autrichiens, qu’ils accusaient d’avoir tout compromis par leur hâte à évacuer la Suisse, qu’à se concerter avec eux. Souvorov écrivit, le 22 octobre, à l’archiduc que ses troupes prenaient leurs quartiers d’hiver et, le 30, l’armée russe s’installait eu Souabe, entre l’Iller et le Lech. C’était une rupture autorisée par le tsar, déjà très mécontent des prétentions de l’Autriche en Italie. Dans le sud, Loison, qui avait pris le commandement du corps de Lecourbe, chassa, le 18 vendémiaire (10 octobre), les Autrichiens sur la rive droite du Rhin, à l’exception de quelques postes qui furent enlevés en brumaire (début de novembre). La Suisse entière était délivrée. Le Rhin, dès lors, servit de démarcation comme à l’ouverture de la campagne.

Par le traité du 22 juin mentionné précédemment, l’Angleterre et la Russie avaient réglé les conditions de leur descente en Hollande ; l’Angleterre devait fournir 30 000 soldats et subvenir à la dépense des 17 000 hommes que la Russie consentait à leur adjoindre. Le but avoué était le rétablissement du stathoudérat et de la maison d’Orange. Le but secret de l’Angleterre était moins désintéressé : elle poursuivait, avec sa persistance habituelle, son plan de soustraire la Hollande et la Belgique dont l’invasion était projetée après la conquête de la première, à l’influence de la France. Des préparatifs immenses furent faits et, le 3 fructidor (20 août 1799), l’avant-garde de l’expédition était en vue des côtes ; mais, par suite d’une tempête, le débarquement ne put com-