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d’Alexandrie et de Tortone. Furieux, Souvorov néanmoins obéit ; il augmenta l’effectif des troupes chargées de ces sièges et campa près de la Bormida.

La Russie et l’Angleterre estimaient, comme Souvorov, que l’Autriche se préoccupait trop exclusivement de ses intérêts particuliers ; elles n’étaient nullement disposées à réduire leur coalition au rôle d’instrument de la domination autrichienne en Italie. Aussi réglèrent-elles, le 22 juin, en dehors de l’Autriche, leur descente en Hollande.

De plus, sur l’initiative de l’Angleterre et avec le consentement du tsar, les ambassadeurs de Russie et d’Angleterre à Vienne arrêtèrent, en juillet, avec le cabinet autrichien un nouveau plan en vertu duquel l’Autriche agirait seule en Italie ; Souvorov et les divers corps russes se porteraient en Suisse que l’archiduc Charles abandonnerait, dès l’arrivée des troupes russes, pour se diriger sur le Rhin, vers Mayence et l’ancienne frontière de la Belgique, et soutenir les Anglo-Russes en Hollande, puis dans ce dernier pays. Les ordres furent expédiés le 31 juillet à l’archiduc et le lendemain à Souvorov.

Pendant que s’élaborait cette combinaison tendant à l’invasion de la France, la citadelle d’Alexandrie capitulait (3 thermidor-21 juillet) ; Mantoue, où le général Foissac-Latour aurait encore pu tenir, en faisait autant le 12 (30 juillet) et, du coup, Kray pouvait aller avec une vingtaine de mille hommes renforcer Souvorov sur la Bormida. D’autre part, le 17 (4 août), Joubert prenait possession de son commandement ; il était entendu que Moreau resterait quelques jours avec lui. Ignorant la reddition de Mantoue et pressé, pour plaire au gouvernement et, en particulier, à Sieyès, de remporter une victoire, Joubert se hâta d’entrer en campagne. Le 27 (14 août), après des escarmouches heureuses, l’armée française campait sur les hauteurs de Novi, en face des alliés concentrés par Souvorov au sud d’Alexandrie ; Joubert apprenait alors la capitulation de Mantoue et l’arrivée du corps de Kray, qui le mettaient dans une infériorité sur laquelle il n’avait pas compté. Le soir même, il réunissait un conseil de guerre, paraissait d’accord avec ses généraux, tous d’avis de regagner les anciennes positions ; mais, lorsqu’il aurait dû suivre cet avis sans tarder, il remettait la décision définitive au lendemain. Or, à la pointe du jour, le 28 (15 août), Souvorov engageait l’action. Le choc fut rude et déconcerta tout d’abord nos soldats ; Joubert se précipita bravement pour les encourager et fut tué un des premiers. Sa mort augmentait déjà la confusion, quand Moreau qui se trouvait là assuma la responsabilité du commandement et parvint à rallier les troupes. Si les premières tentatives des alliés furent repoussées, il fallut, devant la supériorité de leurs forces, après une douzaine d’heures d’une lutte acharnée, battre en retraite sur Gênes.

Comme complément de cette victoire qui affermissait la domination des