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tation motivée par la question du salaire : le 20 thermidor an II (7 août), quelques cochers de fiacre ayant à ce propos suspendu leur service, la police les avait forcés à marcher ; en fructidor et en vendémiaire (septembre et octobre) les ouvriers boulangers cherchant à se dérober à un travail pénible et mal rétribué, la police s’était mise à leur poursuite et les avait ramenés chez les patrons ; le 21 fructidor (7 septembre) les ouvriers du « port du Jardin national » refusant de travailler sans une augmentation, le commissaire de la section des Tuileries les avait obligés à céder ; le 1er vendémiaire an III (22 septembre 1794), une tentative de grève des ouvriers des messageries fut enrayée de même ; une menace semblable des allumeurs de réverbères, le 19 ventôse an III (9 mars 1795), ne devait pas être plus heureuse.

L’arrêté du 16 frimaire ne se bornait pas à diminuer les salaires ; une importante conséquence de cet arrêté devait être l’extension d’un système qu’on avait commencé à appliquer. Sous prétexte de remplir certaines fonctions utiles, on retirait des armées les fils de la bourgeoisie, et le scandale fut tel que, dans la séance du 26 frimaire (16 décembre), de vives protestations s’élevèrent contre la présence à Paris d’un tas de jeunes gens qui n’y faisaient rien de bon, tandis que leurs camarades se battaient. De vagues assurances qu’on ferait respecter la loi furent données ; mais l’arrêté du 16 frimaire allait fournir un nouveau moyen de la tourner. Les jeunes bourgeois n’ayant jamais manié un outil, n’avaient qu’à se faire désigner comme élèves par les entrepreneurs, pour être remplacés dans l’armée par les ouvriers non réclamés quoique accomplissant une besogne utile ; cela permettait, comme l’écrira Babeuf dans son n° 29 en se moquant des sottes affectations de langage des muscadins, de « faire refluer à Paris tous les faquins pour qui c’est z’un meurtre que de les condamner au métier de soldat », mais qui sont toujours pour les autres les plus militaristes des hommes : en même temps qu’on débarrassait ainsi les enfants des riches du service militaire, on avait le double avantage de ramener à Paris des contre-révolutionnaires et d’en éloigner les plus fermes soutiens de la Révolution.

CHAPITRE IV

LES ARMÉES ET LES FLOTTES

(thermidor an II à ventôse an III — juillet 1794 à mars 1795.)

Le 9 thermidor, le territoire français était reconquis sur l’ennemi qui, à cette date, n’occupait plus dans le nord de la France, Landrecies venant de se rendre (29 messidor-17 juillet), que Le Quesnoy, Valenciennes et Condé. Le Quesnoy tombait entre les mains de nos troupes commandées par Scherer, le 28 thermidor (15 août) — la reddition de cette ville était connue