Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/508

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se trouvait l’armée autrichienne ; ils devaient quitter la ville dans les vingt-quatre heures. Après divers incidents qui n’indiquaient pas de bonnes intentions de la part des Autrichiens, les plénipotentiaires purent sortir de Rastatt, le 28 avril 1799 (9 floréal an VII), à dix heures du soir. Leurs voitures avaient à peine dépassé les portes de la ville qu’elles étaient arrêtées par des hussards qui, n’en voulant qu’aux ministres français, frappèrent successivement Jean De Bry, Bonnier et Roberjot à coups de sabre, sous les yeux de leurs femmes et de leurs enfants. Seul, De Bry ne fut pas atteint mortellement.

Parmi les réactionnaires de l’époque, il se trouva des gens pour accuser le Directoire et Jean De Bry de ces assassinats ; sans les approuver ouvertement, le clérical M. Sciout (Le Directoire, t. IV, p. 185), répète avec complaisance ces odieuses accusations et ce qui lui paraît de nature à les étayer ; un peu plus loin (p. 190), il s’évertue à démontrer en faveur des Autrichiens qu’« aucun homme de quelque importance n’a commandé ce crime, ni même donné des ordres mal interprétés ». Or d’une lettre confidentielle adressée, le 18 mai 1799, par l’archiduc Charles à son frère l’empereur (Rastatt — L’assassinat des ministres français, par le capitaine Oscar Criste, p. 180-181 de la traduction française), il résulte que des instructions avaient été données au commandant de l’avant-garde, Merveldt, par le lieutenant-colonel Mayer von Heldenfeld, chef d’état-major de Kospoth, à la suite d’une lettre que lui avait écrite le général-major von Schmidt, chef d’état-major général de l’archiduc ; Schmidt n’exprimait que « ses sentiments personnels », auxquels Mayer aurait eu le tort de donner « une signification particulière et, de cette manière, l’affaire s’est envenimée. Chacun des subalternes y ajoutant un peu du sien, il en est résulté fatalement ce malheureux événement. Le général Schmidt reconnaît avoir commis une grosse faute… Je considère la faute du général Schmidt comme une étourderie, comme la manifestation inopportune de sa haine violente pour les Français ». Et ce prince qui avait annoncé, le 2 mai, à Masséna que les coupables, s’ils étaient sous ses ordres, seraient punis, ne se préoccupait, dans sa lettre du 18, que d’assurer l’impunité au principal coupable dont il sollicitait « instamment » le pardon comme « une faveur » personnelle. À cette lettre, écrite par l’archiduc dix jours après que la commission d’enquête réunie pour se prononcer sur la culpabilité d’une trentaine de hussards autrichiens avait commencé ses travaux, il faut joindre une nouvelle lettre du 2 septembre adressée par l’archiduc à l’empereur au moment où, d’après le capitaine autrichien Criste (Idem, p. 397), l’enquête allait être close sans résultat. Il n’y avait, à son avis, que deux façons d’en finir avec cette affaire ; ou dire la vérité ou la cacher (Idem, p. 382-384).

« Si l’on adopte le premier moyen, il convient de considérer que l’on sera obligé de lui donner la sanction qu’il comporte. On ne saurait, en effet, punir les hussards qui n’ont fait qu’exécuter des ordres reçus. Il faudrait donc remonter jusqu’à ceux qui les ont donnés et atteindre la personne ou, pour