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L’échec des conférences de Seltz, suspendues le 18 messidor an VI-6 juillet 1798 (chap. xvii, § 2), ne devait pas, tout en indisposant définitivement l’Autriche désireuse de s’étendre en Italie, empêcher la continuation du Congrès de Rastatt. Nous avons vu (chap. xvi, § 2) que, le 15 germinal (4 avril), avait été admis le principe de la sécularisation des principautés ecclésiastiques. Mais l’Autriche, devant les résistances du Directoire à ses ambitions en Italie, commençait dès cette époque à se désintéresser des travaux du Congrès et poursuivait avec la Prusse et la Russie ses négociations particulières. Son principal délégué, Cobenzl, avait été rappelé, le 12 avril, à Vienne où Thugut, tout en conservant la haute direction des affaires, lui cédait le ministère des affaires étrangères. À la suite de l’incident de Bernadotte, il était reparti, le 8 mai, pour Rastatt et de là pour Seltz. Ce même incident fut cause — l’émotion qu’il souleva n’ayant pas besoin d’être accrue par des demandes excessives — que les plénipotentiaires français Treilhard et Bonnier ne communiquèrent que le 14 floréal (3 mai) au Congrès une note de Talleyrand du 23 germinal (12 avril), parvenue le 28 (17 avril), et réclamant certains points sur la rive droite, toutes les îles du Rhin, la démolition de la forteresse d’Ehrenbreitstein et le transfert aux États de la rive droite des dettes des pays cédés sur la rive gauche. Ces prétentions, et en particulier celle de s’installer sur la rive droite, dénotaient la plus coupable, la plus folle et aussi la plus dangereuse avidité ; le général Le Michaud d’Arçon cité par la Revue d’histoire rédigée à l’état-major de l’armée (août 1903, p. 340) a constaté qu’elle « n’est pas seulement contraire au but d’une politique prévoyante, mais, à ne la considérer que sous les rapports d’utilité militaire, on jugera qu’une attitude toujours menaçante et qui, par conséquent, tiendra l’ennemi dans une attente continuelle, nous priverait des avantages incalculables de nos soudaines irruptions ». Le 25 floréal (14 mai) une note allemande opposait un refus en termes modérés. Quelques jours après (fin du chap. xvii), Treilhard était élu directeur ; il quitta, le 30 floréal (19 mai), Rastatt où, nommé la veille à sa place, Jean De Bry arrivait le 24 prairial (12 juin). Le 8 (27 mai), le Directoire avait adjoint Roberjot à De Bry et à Bonnier. Pendant plus de six mois, le Congrès devait discuter sur les prétentions précédentes que le Directoire atténua cependant un peu. Enfin, le 19 frimaire an VII (9 décembre 1798) après un ultimatum remis le 16 (6 décembre) par les plénipotentiaires français ayant, encore seuls, connaissance de l’agression napolitaine (Idem, février 1902, p. 358) et menaçant de rompre les négociations si, dans les six jours, une réponse catégorique n’était pas donnée, le Congrès de nouveau cédait.

Le succès du Directoire était plus apparent que sérieux et durable. En effet, les négociations particulières engagées entre les gouvernements français et autrichien par la voie d’intermédiaires divers (ambassadeurs espagnol, toscan et cisalpin) devaient échouer. Pour l’Autriche, déjà en pourpar-