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les députés munis d’une lettre de convocation spéciale ; Trouvé prit la parole devant eux et, sous prétexte d’améliorer la situation financière, conseille, « au nom de la République française et par ordre de son gouvernement » (Moniteur du 25 fructidor-11 septembre) de supprimer la moitié du Corps législatif, soit au grand conseil 80 membres, aux Anciens 40, de subordonner l’exercice des droits de citoyen au payement de l’impôt et de laisser, toujours pour la première fois, au gouvernement français la nomination des directeurs, dont trois sur cinq furent conservés. Les députés présents approuvèrent tout, mais avec la remarque expresse qu’ils agissaient par ordre, tandis que Trouvé aurait dû dissimuler la nature de son intervention. Cette maladresse et le désaccord croissant entre Brune et Trouvé amenèrent le Directoire à remplacer ce dernier par Fouché (4 vendémiaire an VII-25 septembre 1798), Du coup, Brune crut pouvoir démolir l’œuvre de son adversaire et, dès que Trouvé eut quitté ses fonctions, dans la nuit du 27 au 28 vendémiaire an VII (18 au 19 octobre 1798), il changea certains directeurs, certains députés et certains fonctionnaires et convoqua les assemblées primaires pour se prononcer sur le retour à la Constitution de 1797 légèrement amendée. Bientôt (3 brumaire-24 octobre) une proclamation du Corps législatif cisalpin annonça que les transformations de Brune étaient adoptées ; le 30 vendémiaire (21 octobre), Fouché, qui était là depuis huit jours et qui n’avait pas encore bougé, présentait ses lettres de créance au nouveau directoire. Or, à la date du coup d’État de Brune, il y avait quatre jours (arrêté du Directoire du 23 vendémiaire-14 octobre) que ce général était remplacé à la tête de l’armée d’Italie par Joubert, qui avait Jourdan pour successeur à la tête de l’armée de Mayence. Brune allait succéder en Hollande à Hatry qui, à son tour, devait bientôt prendre le commandement de la division de réserve à l’armée d’Italie.

Un arrêté du Directoire de Paris, du 4 brumaire an VII (25 octobre 1798), connu à Milan le 16 (6 novembre), annula les décisions de Brune. Par un nouvel arrêté du 17 (7 novembre), il était ordonné à Fouché de cesser toutes relations avec le directoire cisalpin jusqu’à ce que les autorités eussent été reconstituées comme elles étaient avant le 28 vendémiaire (19 octobre) et de convoquer les assemblées primaires pour voter sur la constitution présentée par Trouvé. Mais Fouché qui avait laissé faire Brune et, d’accord avec Joubert arrivé à Milan le 12 brumaire (2 novembre), avait promis au directoire cisalpin installé par Brune de le maintenir, mit si peu d’empressement à exécuter ces arrêtés que le Directoire, le 4 frimaire (24 novembre), lui substitua Rivaud. Celui-ci, qui était à Milan le 16 frimaire (6 décembre), dut mettre Fouché sous le coup d’une menace d’arrestation pour lui faire quitter l’Italie. Le nouvel ambassadeur ayant réclamé à Joubert le concours de la force armée pour l’exécution des arrêtés du Directoire, le général se soumit ; mais, aussitôt que son œuvre fut terminée en Piémont, il envoya