Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/49

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

habituellement, à la suite de deux erreurs typographiques, les 73. L’un d’entre eux, Couppé, ayant été déclaré démissionnaire ; trois, Lauze-Deperret, Duprat et Lacaze, ayant été exécutés dès le 10 brumaire an II (31 octobre 1793) ; un autre, Masuyer, le 25 ventôse an II (15 mars 1794) ; quatre, Gamon, Vallée, Savary et Bresson, déférés par le décret du 3 octobre 1793 au tribunal révolutionnaire, et deux, Chasset et Defermon, déclarés traîtres à la patrie, ne s’étant soustraits que par la fuite aux conséquences de ces décisions ; un, Doublet, étant mort à la Force le 4 frimaire an II (24 novembre 1793), les prétendus 73 n’étaient plus, en réalité, que 63. Le 18 frimaire (8 décembre), les scrupules de la Convention avaient disparu, parce que le modérantisme triomphait ; en même temps qu’elle réintégra les 63, la Convention rapporta les décrets rendus à tort, dit-on, qui avaient mis Devérité hors la loi et déclaré Couppé démissionnaire. En lui-même un tel vote n’avait rien de blâmable ; car, sans rechercher s’ils n’avaient tardivement recouru aux principes que parce qu’il s’agissait de leurs amis, les représentants réintégrés s’étaient, en somme, bornés à défendre la liberté de penser des minorités. Mais leur retour s’effectuait dans des conditions qui en faisaient un danger. Ils revenaient dans une assemblée non plus consciente de sa force, reconnaissant et réparant une erreur, sans aller au delà d’un acte de justice par elle volontairement accompli, mais s’inclinant par faiblesse, prête à se mettre à leur service, domptée. Le lendemain (9 décembre), Dusaulx, au nom des réintégrés, remerciait la Convention, affirmait leur reconnaissance et leur oubli de leurs ressentiments particuliers. L’intention était bonne et correspondait à ce qui aurait dû être ; la réalité fut tout autre.

Les Girondins rentraient en vainqueurs rancuniers ; ils n’avaient eu depuis leur mésaventure, ils n’allaient avoir souci que de leurs griefs. Il y avait, en outre, chez eux comme chez la plupart des modérés,— le mot « modéré » allait devenir synonyme de thermidorien (Id., p. 444) — tendance à chercher appui, pour la réussite de leurs vues particulières, en dehors même de leur parti, contre la fraction avancée de celui-ci, dans le parti adverse. Ces modérés se jugent toujours de force à se servir de celui-ci, sans le servir ; ils ne font que le fortifier et finissent par être eux-mêmes à sa discrétion. Cajolés par les soi-disant constitutionnels, ralliés en apparence à la République tant qu’ils ne l’ont pas tuée et pour tirer plus facilement sur elle, par ces perfides recrues qui, d’une main, mendient, en récompense de leur adhésion, les faveurs de la République, et, de l’autre, sous l’impulsion des regrets ou des espérances simplement remisés, avoue-t-on, au fond du cœur, s’efforcent sournoisement de la faire trébucher, dupes de leurs avances, de leurs flatteries et de leurs conseils, ne voyant de péril qu’à gauche, ne comprenant pas qu’en frappant les militants les plus énergiques, ils brisent leurs meilleurs éléments de résistance à la réaction, contents seulement lorsqu’ils ont annihilé et parfois anéanti la fraction avancée de leur parti, ils sont alors à la