Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/482

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dain et revint à Nazareth et à Safoureh, localité au nord-ouest de la première. Par charlatanisme comme tout à l’heure, « par un motif semblable à celui qui avait fait préférer Nazareth à Loubia, Bonaparte dénomma l’affaire du 11 avril : combat de Cana » (Idem, p. 73, note).

Informé à ce moment que la cavalerie ennemie avait passé le pont d’Yakoub et menaçait Safed, Bonaparte renvoya de ce côté Murat qui, parti de Saint-Jean-d’Acre dans la nuit du 24 au 25 germinal (13 au 14 avril), dégageait, le 26 (15 avril), Safed, rejetait l’ennemi au delà du Jourdain et entrait, le 28 (17 avril), à Tabariyeh ou Tibériade, vers le milieu de la rive occidentale du lac de ce nom, où il trouvait de grands approvisionnements. Pendant ce temps, des rassemblements ennemis se formant au sud de Nazareth, Kleber, qui avait reçu des renforts à Safoureh, résolut de les disperser et Bonaparte, prévenu de la grande supériorité numérique de l’ennemi, se décida, le 26 (15 avril), à aller lui-même l’appuyer. Le 27 (16 avril), en débouchant en vue de la plaine d’Esdraelon, à l’ouest du mont Tabor, il aperçut la division Kleber formée en deux carrés aux prises avec les Turcs ; il prit ses dispositions pour opérer un mouvement tournant à la suite duquel l’ennemi, abandonnant son camp, dut s’enfuir en désordre ayant éprouvé d’énormes pertes. Après cette victoire, dite du mont Tabor, Kleber fut laissé en observation sur le Jourdain et Bonaparte était de retour devant Saint-Jean-d’Acre dans la soirée du 28 germinal-17 avril (Idem, p. 101).

La veille (27 germinal-16 avril), avait eu lieu l’arrivée dans le port de Jaffa de la petite division du contre-amiral Perrée apportant d’Alexandrie un matériel de siège et des munitions devenus indispensables. Sans tarder, Perrée commença une croisière afin d’essayer de capturer des vaisseaux marchands anglais ; mais, bientôt réduit, pour échapper à Sidney Smith, à faire voile vers l’Europe, il devait être, le 30 prairial (18 juin), pris avec toute sa division par l’escadre anglaise de Keith, à une vingtaine de lieues de Toulon.

L’armée turque dispersée, ainsi que nous venons de l’indiquer, Bonaparte s’obstina à poursuivre le siège d’Acre ; contre toute évidence, par orgueil, il ne voulut pas renoncer à avoir raison d’un ennemi qui réparait aisément ses pertes, avec une armée que, sans espoir de renforts, il voyait diminuer tous les jours. Les assauts du 12 germinal (1er avril) et du 20 (9 avril) coûtèrent inutilement beaucoup de sang. Pendant le dernier, le général Caffarelli (du Falga), commandant du génie, eut dans la tranchée le coude gauche fracassé et, à la suite de l’amputation, il mourut le 8 floréal (27 avril). Il avait eu, environ quatre années avant, la jambe gauche emportée par un boulet. C’était un républicain à tendances socialistes qui, admirablement conscient du problème social, disait, dans une discussion sur le navire qui le transportait en Égypte : « Ne pourrait-on pas régler le droit de propriété, puisque propriété il y a, de manière à ce que tous les membres de la