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bals, les mascarades, les jours gras et jusqu’à la promenade de Longchamp. Les femmes, qui imitent toujours et qui exagèrent tout, furent sans pudeur comme eux ». On lit dans le rapport du Bureau central de Paris du 24 pluviôse an VII (12 février 1799) : « certaines feuilles dégénèrent depuis quelque temps en véritables entremetteuses », et dans celui du 2 ventôse (20 février) : « on est forcé de remarquer que les demandes et annonces les plus immorales deviennent de jour en jour plus fréquentes dans les affiches » (Paris pendant la réaction thermidorienne et sous le Directoire, t. V, p. 375 et 391).

À côté de ceux qui volaient le pays, il y avait ceux qui volaient les particuliers. Les « agences d’affaires » pullulaient et usaient de la réclame dans les journaux pour augmenter le nombre de leurs dupes. La plus connue de ces agences fut celle que fonda un certain Gaston Rosnay sous le titre ce « Gymnase de bienfaisance ». Il avait un journal le Journal du Gymnase de bienfaisance, où il déclarait mettre « l’opulence à portée de tout le monde » (n° 13 du 1er thermidor an IV-19 juillet 1796). Au temps des assignats, il avait créé des actions de 800 livres qui devaient rapporter à leurs propriétaires, dits « coopérateurs », de 2 400 à 18 800 livres. Son but était l’exploitation des gogos par l’annonce de découvertes étonnantes qui ne reposaient que sur son idée très arrêtée de remplir ses poches ; une de ces découvertes, chimérique alors, malgré la construction, en 1770, de la voiture à vapeur de Cugnot, qui est au Conservatoire des Arts-et-Métiers, était tout simplement la voiture automobile « sans coursier ni sans guide » (idem) ; il recommandait, en outre, des poêles en « carton préparé et rendu incombustible » (idem). Après la chute des assignats, Rosnay avait émis de nouvelles actions en numéraire dont les porteurs le poursuivirent en brumaire an V (novembre 1796). Prévenu d’escroquerie, il s’en tira, le 17 nivôse an V (6 janvier 1797), avec 50 fr. d’amende, dix jours de prison et la fermeture du « Gymnase ». C’était pour rien.

Quant aux agents du gouvernement, le commissaire du gouvernement auprès de l’armée d’Italie avant Saliceti, Ritter, écrivait à Le Tourneur, le 4 nivôse an IV (25 décembre 1795), à propos des « administrations de l’armée » : « Toutes les administrations sont composées, en majeure partie, de lâches déserteurs du drapeau de la République et de jeunes gens de la réquisition… Le luxe que ces messieurs étalent est scandaleux. Il dépose irréfragablement de leur friponnerie » (Gachot, La première campagne d’Italie, 1795 à 1798, p. 48). Vers la même époque, un lieutenant de la 20e demi-brigade écrivait au Directoire pour signaler l’esprit antirépublicain et le luxe impudent des « magasiniers, vivriers, inspecteurs, commissaires des guerres, etc. » (G. Fabry, Histoire de l’armée d’Italie 1795-1796, t. II, p. 244). Voici ce que relatait le rapport de police du 28 pluviôse an V (16 février 1797) : « Un seul fait d’administration publique était agité parmi quelques citoyens qui ont paru en parler avec connaissance de cause : c’est l’infidélité