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réactionnaire : le 2 thermidor (20 juillet), nous apprend un rapport de police, « 5 à 600 ouvriers s’étaient rassemblés dans un cabaret de la Courtille à l’effet de s’arranger pour avoir une augmentation de salaires des manufacturiers qui les font travailler. La garde les a cernés ; les instigateurs ont été conduits en assez grand nombre au Bureau central » ; ce n’était, du reste, pas là — on le verra plus loin (§ 2) — une mesure exceptionnelle et il faut noter que, le 4 thermidor (22 juillet), le journal le plus avancé de l’époque. Le Journal des hommes libres, avait approuvé ces arrestations en disant : « C’est une espèce de tyrannie sur le commerce qu’une coalition pareille ».

Le Directoire n’aurait pas été acculé à un coup d’État, à ce moyen détestable d’avoir raison des dangereuses manœuvres monarchiques, si sa coupable politique d’intérêt personnel écrasant, stupidement au point de vue général, le parti républicain avancé qui renfermait les plus sérieux éléments de résistance aux intrigues des royalistes, ne leur avait pas permis d’obtenir artificiellement la majorité électorale, alors qu’ils étaient en fait le plus impopulaire de tous les partis.

Une tentative d’opposition faite dans la matinée par quelques membres des deux Conseils, n’aboutit qu’à leur arrestation. Un arrêté du Directoire convoquait les membres laissés libres des Cinq-Cents à l’Odéon et ceux des Anciens à l’École de médecine. Les Cinq-Cents, réunis à onze heures sous la présidence de Lamarque, les Anciens à une heure sous celle de Roger Ducos, votèrent, dès le 18 (4 septembre), une loi ainsi conçue : « Le Directoire exécutif est autorisé à faire entrer sans délai, dans le rayon fixé par l’art. 69 de la Constitution, et de faire arriver à Paris le plus tôt possible, les corps de troupes qu’il jugera nécessaires pour défendre la République et la Constitution de l’an III contre les attaques des agents du royalisme et de l’anarchie, maintenir la tranquillité publique et le respect dû aux personnes et aux propriétés ». Le lendemain, furent adoptées, avec quelque hésitation de la part des Anciens, diverses mesures qui constituent la loi du 19 fructidor an V (5 septembre 1797) et dont les principales avaient pour but : l’annulation de toutes les opérations électorales de 49 départements qui avaient nommé le plus de royalistes : cela livrait au Directoire la nomination, aux places rendues ainsi vacantes, d’un grand nombre de fonctionnaires de tout ordre et le débarrassait de 136 députés ; la condamnation à la déportation de 65 personnes parmi lesquelles deux directeurs, Carnot et Barthélémy, 53 députés — 11 membres des Anciens et 42 des Cinq-Cents — dont 41 n’appartenaient pas aux départements visés plus haut ; le rétablissement des six premiers articles de la loi du 3 brumaire an IV qu’avait abrogés, nous l’avons vu au début même de ce chapitre, la loi du 9 messidor an V ; le bannissement des émigrés qui n’avaient pas obtenu leur radiation définitive (art. 15) ; la déportation des « émigrés actuellement détenus » (art. 19) ; le droit exorbitant, pour le Directoire, agissant de sa seule autorité, « de déporter,