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De part et d’autre, les préparatifs continuaient ; nous avons vu, par la dernière citation de Mallet du Pan, que les royalistes avaient combiné une attaque vers le 15 août. Pendant ce temps, si le Directoire avait fait rétrograder les régiments de Sambre-et-Meuse hors de la limite constitutionnelle, les mouvements de troupes avaient persisté ; l’armée, à une petite distance de cette limite enveloppait Paris, où était arrivé le chef d’état-major et le confident de Hoche, Chérin, que deux arrêtés du 11 fructidor (28 août) nommaient, l’un général de division, l’autre commandant en chef de la garde constitutionnelle du Directoire, poste qu’il garda jusqu’au 28 (14 septembre). Une enquête était faite sur les fonctionnaires ; des administrations entières, départementales et municipales, furent révoquées, et le Directoire remplaça leurs membres élus, mais hostiles, par des hommes nommés par lui et plus sûrs. En même temps, Carnot, qui achevait ses trois mois de présidence le 7 fructidor (24 août), avait pour successeur, à la tête du Directoire, un adversaire des royalistes, La Revellière. Chacun des deux partis connaissait les intentions de l’autre ; ainsi que cela s’est toujours produit eu pareille circonstance, il y avait eu des indiscrétions prématurées, et l’incrédulité ou le dédain à leur égard n’ont jamais été des remèdes suffisants. Depuis plus d’un mois, on s’était méfié d’un coup d’État, on l’avait attendu tous les jours ; à force de voir les faits infliger chaque jour un nouveau démenti à leurs soupçons ou à leurs informations, les meneurs royalistes en étaient venus à douter du danger au moment où il était le plus grand.

Dans l’après-midi du 17 fructidor (3 septembre), les inspecteurs de la salle, nous dirions aujourd’hui les questeurs, du Conseil des Cinq-Cents convenaient que, le lendemain, l’un d’eux, Vaublanc, lirait un rapport concluant à la mise en accusation de la majorité du Directoire. Prévenue, celle-ci prit aussitôt ses dispositions ; dans une réunion, sous la présidence de La Revellière, à laquelle ne furent convoqués ni Carnot, ni Barthélémy, Augereau reçut mission d’occuper dans la nuit les locaux où siégeaient les Conseils ; des arrestations furent résolues, une proclamation préparée. Avertis à leur tour, certains meneurs royalistes n’ajoutèrent pas foi à des renseignements dans le genre de ceux qu’on leur avait déjà donnés et qui ne s’étaient pas réalisés ; d’autres, moins sceptiques, furent satisfaits d’apprendre que les trois directeurs songeaient, pour se défendre, à recourir à l’offensive et décidèrent qu’à la première menace contre le Corps législatif, Pichegru et Willot, en permanence cette nuit-là aux Tuileries, marcheraient, avec la garde des Conseils et les Chouans installés à Paris, sur le Luxembourg. Seulement, lorsqu’ils furent convaincus qu’il y avait réellement des mouvements de troupes et qu’ils s’apprêtèrent à agir, il était trop tard, les Tuileries étaient cernées ; des soldats de la garde des Conseils ouvrirent eux-mêmes les grilles, une vingtaine de députés qui se trouvaient avec Pichegru furent arrêtés et conduits au Temple. Barthélémy avait déjà été arrêté ; Carnot, prévenu, s’était enfui. Après