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peaux pris à Mantoue, le 10 ventôse (28 février), l’envoyé de Bonaparte, Augereau, au nom de l’armée d’Italie, se prononçait contre les royalistes en se déclarant « le garant de son inviolable attachement à la Constitution de l’an III ». Le 5 messidor (23 juin), c’était le clichyen Dumolard qui, non sans raison, du reste, critiquait, à la tribune des Cinq-Cents, sa politique en Italie ; et Bonaparte ripostait par l’offre de sa démission dans une lettre au Directoire, présumée être, dit une note de sa Correspondance (t. III, p. 205), du 12 messidor (30 juin) : « J’ai besoin, prétendait-il jésuitiquement, de vivre tranquille, si les poignards de Clichy veulent me laisser vivre ». Dans une nouvelle lettre du 27 messidor (15 juillet), il dit aux directeurs : « Je vois que le club de Clichy veut marcher sur mon cadavre pour arriver à la destruction de la République. N’est-il donc plus en France de républicains ?… Si vous avez besoin de force, appelez les armées » (Idem, p. 243).

Le Directoire n’avait pas attendu ce conseil pour agir en ce sens.

Après les préliminaires de Leoben, Hoche s’était remis à préparer une expédition en Irlande et, le S messidor (26 juin), il s’était rendu en secret à La Haye pour y conférer sur la participation de la flotte batave à cette opération. Comment l’entente se fit-elle entre Hoche et la majorité du Directoire pour une intervention militaire ? On l’ignore actuellement ; mais le fait de cette entente ne semble pas douteux. Dans son Histoire secrète du Directoire (t. III, p. 95), Fabre (de l’Aude) dit que Barras « dépêcha » vers Hoche un certain R…, son « âme damnée », et que celui-ci, « en s’embrouillant à dessein dans un flux de paroles, tourna si bien Hoche, qu’il le décida à servir le Directoire contre les Conseils ». Peut-être s’agit-il du futur biographe de Hoche, d’Alexandre Rousselin de Saint-Albin, « un jeune homme de mes amis », a écrit Barras (Mémoires, t. III, p. 236), qui avait fréquenté le général Chérin, le chef d’état-major de Hoche, envoyé un peu plus tard à Paris par celui-ci pour s’entendre avec Barras et participer au mouvement.

La Revellière a depuis prétendu, dans ses Mémoires (t. II, p. 121), qu’il ne savait rien, et il a dit que « c’était un tripotage de Barras « qui aurait abusé » auprès de Hoche du nom de ses collègues ; alors qu’un fait de cette gravité, dans un moment pareil, aurait dû éloigner et non rapprocher La Revellière de Barras, on vit La Revellière marcher d’accord presque aussitôt après avec Barras pour une action identique à celle dont il n’aurait pas connu le « tripotage » avec Hoche. L’expédition d’Irlande, dont Hoche, s’occupait véritablement, parut de nature à justifier des mouvements de troupes motivés par la situation intérieure. Ordre fut donné de rassembler à Brest 9 000 hommes tirés de l’armée de Sambre-et-Meuse ; or, lorsque les troupes partirent, à partir du 15 messidor (3 juillet), elles savaient parfaitement qu’en réalité elles allaient à Paris (Sorel, Bonaparte et Hoche, p. 290).

Hoche passait par Metz pour voir sa femme et était, le 1er thermidor (19 juillet), à Châlons-sur-Marne ; au même moment, on annonçait la très