Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/411

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rectoire du 18 ventôse (8 mars) lui ordonnait de se rendre immédiatement à Gênes et d’y attendre des ordres ; il avait pour successeur Gouvion Saint-Cyr qui arriva à Rome le 6 germinal (26 mars), et l’armée de Rome allait redevenir — jusqu’à la nomination de Championnet — une simple division de l’armée d’Italie. Les troupes reçurent satisfaction ; toutefois, les quatre délégués et d’autres officiers furent arrêtés : traduits devant un conseil de guerre siégeant à Briançon, ils furent acquittés le 19 thermidor an VI (6 août 1798). Quant à Masséna, de Gênes il dut se rendre à Antibes ; après une inactivité de près de cinq mois, il fut informé de son envoi à l’armée de Mayence d’où une décision du 29 frimaire an VII (19 décembre 1798) le fit passer à l’armée d’Helvétie. À la suite d’un différend avec les consuls et les commissaires civils, Gouvion Saint-Cyr devait à son tour, par arrêté du 27 messidor an VI (15 juillet, 1798), quitter Rome où Macdonald le remplaçait.

Les Treize Cantons suisses confédérés étaient, sous l’étiquette républicaine, un assemblage de gouvernements aristocratiques ayant et des pays alliés comme les villes de Mulhouse et de Bienne, et des pays sujets, soit de plusieurs cantons, comme c’était le cas pour l’Argovie, la Thurgovie et le Tessin, soit d’un seul comme le pays de Vaud soumis aux Bernois. Par suite de leur situation intérieure, des réformes réclamées en vain par une majorité sujette à une minorité souveraine, les cantons suisses et leurs dépendances étaient le théâtre d’agitations locales dont le Directoire français ne fut nullement cause, tout en ayant été certainement heureux de les voir se produire. Le résultat devait être que Bâle, Soleure et Lucerne en janvier 1798, Zurich et Schaffhouse en février, réformèrent leurs constitutions dans un sens démocratique ; à cette même époque, de sujets de certains cantons, la Thurgovie et le Tessin devinrent leurs égaux en droits.

Considérant un peu arbitrairement la France comme représentant les ducs de Savoie qui, au xvie siècle, en cédant à Berne le pays de Vaud, avaient stipulé en sa faveur le maintien de certains privilèges, le Directoire prêta complaisamment l’oreille aux plaintes des Vaudois et, en vertu d’un arrêté du 8 nivôse an VI (28 décembre 1797), son chargé d’affaires Mengaud déclarait à Berne, le 14 (3 janvier 1798), que la République française entendait garantir les anciens droits de ceux-ci. Les autorités bernoises,ayant jugé opportun d’exiger que le pays de Vaud leur renouvelât le serment de fidélité, se heurtèrent à des refus et, le 15 janvier, à un commencement d’insurrection ; le 24 janvier, le pays vaudois proclamait son indépendance.

Le général Ménard qui se trouvait à proximité à la tête d’une division de l’armée d’Italie, — et cette précaution démontre l’arrière-pensée du Directoire, d’accord en cela avec Bonaparte, alléché par le trésor de Berne et empressé à profiter des événements, — prit prétexte d’une agression dirigée, le 6 pluviôse (25 janvier), contre un parlementaire qu’il avait envoyé avec une petite escorte au quartier général bernois à Yverdon, et passa la frontière le