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trop, l’Autriche, malgré Venise, ne se jugeait pas suffisamment indemnisée ; en portant atteinte à l’intégrité de l’Empire, par elle, jusque là, posée en principe, en se privant de l’appui des principautés ecclésiastiques destinées, comme l’archevêché de Salzburg qu’elle s’attribuait, à disparaître sous la forme de compensations aux princes laïques expropriés sur la rive gauche du Rhin, elle risquait de perdre la prédominance en Allemagne, sans recevoir assez pour l’acquérir en Italie. La Prusse se méfiant de conventions qu’on ne lui communiquait pas en entier, était inquiète et mal disposée ; elle redoutait, non sans raison, l’annexion de la Bavière par l’Autriche et celle des provinces rhénanes par la France. Enfin, l’empereur de Russie, Paul Ier, qui, depuis son avènement après la mort de sa mère, Catherine II, était resté à l’écart, mais qui n’avait pas intérêt à voir de grands États prendre sur sa frontière de l’Ouest la place d’une confédération de petits, et qu’avait mécontenté l’attitude de la France à l’égard des Polonais, se souvenait que, d’après le traité de Teschen du 13 mai 1779, il était garant de l’Empire germanique. En Italie, le roi de Sardaigne et le roi de Naples qui avaient convoité, le premier une partie de la Lombardie, le second les îles Ioniennes, étaient mécontents. En provoquant toutes ces déceptions, le traité de Campo-Formio préparait une nouvelle coalition contre la France.

Ce fut dans la nuit du 4 au 5 brumaire (25 au 26 octobre) que Monge et Berthier arrivèrent à Paris. Le Directoire fut très irrité de voir que ses instructions n’avaient pas été suivies ; mais, ne pouvant assumer la responsabilité d’une rupture, il ratifia le traité. « Concentrons toute notre activité du côté de la marine et détruisons l’Angleterre. Cela fait, l’Europe est à nos pieds », avait écrit Bonaparte au ministre des relations extérieures, le 27 vendémiaire (18 octobre), en cherchant à justifier son attitude (Correspondance de Napoléon Ier, t. III, p. 520). Le Directoire le prit au mot et, le jour même (5 brumaire an VI-26 octobre 1797). ordonna la formation, à l’aide des troupes cantonnées sur les côtes de l’Ouest, d’une armée dite « armée d’Angleterre » dont le général en chef devait être Bonaparte et, provisoirement, Desaix, Bonaparte étant désigné comme premier plénipotentiaire au congrès de Rastatt.

Bonaparte arriva à Rastatt le 5 frimaire (25 novembre) et Cobenzl le 8 (28 novembre). De Metternich et Lehrbach étaient les deux autres plénipotentiaires de l’empereur. L’occupation de la Vénétie par les Autrichiens avait été subordonnée à l’entrée préalable des Français dans Mayence ; après s’être, le 11 (1er décembre), secrètement entendu avec Cobenzl à cet égard, Bonaparte parlait pour Paris où il était le 15 (5 décembre), ne s’étant arrêté qu’à Nancy pour assister à une fête donnée par la loge maçonnique en son honneur.

Conformément à l’entente établie avec le diplomate autrichien, les délégués de l’Empire au Congrès, qui ne connaissaient pas les articles secrets du traité de Campo-Formio et qui avaient pour mandat de maintenir l’inté-