Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/40

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Depuis le n° 23 daté du 14 vendémiaire an III (5 octobre 1794), son journal avait pour titre : « Le Tribun du Peuple ou le Défenseur des Droits de l’Homme en continuation du Journal de la Liberté de la Presse ». Babeuf justifiait ainsi son nouveau titre : « Tribun du peuple m’a paru la dénomination la plus équivalente à celle d’ami ou de défenseur du peuple. Je demande qu’on n’aille pas chercher d’autre acception ». Abandonné par son imprimeur, le Conventionnel Guffroy, qui arrêta le tirage du n° 26, n’ayant plus les moyens de faire imprimer son journal, il envoya, avec une lettre explicative, le manuscrit du n° 27 aux membres du « club ci-devant électoral » qui avait pu reprendre ses séances dans la salle de l’assemblée générale de la section du Muséum, au Louvre (Paris pendant la réaction thermidorienne…, t. Ier, p. 256), et qui fit paraître le numéro (22 vendémiaire-13 octobre).

CHAPITRE III

COMMENCEMENT DE LA RÉACTION

(vendémiaire à frimaire an III — octobre à décembre 1794.)

La question du commerce, traitée par le club dit électoral dans l’adresse du 10 vendémiaire (1er octobre), s’imposait alors à l’attention de tous, et cette adresse exprimait le sentiment de la grande majorité. Les documents de l’époque, les rapports de police, par exemple, dont, sous le titre Paris pendant la réaction thermidorienne et sous le Directoire, M. Aulard a composé un si intéressant recueil, auquel je renvoie d’une façon générale pour toutes mes citations de ces rapports, prouvent que le public se préoccupait principalement de tout ce qui concernait les subsistances. On se plaignait de plus en plus de la pénurie des denrées mises en vente, de leur mauvaise qualité, de leur prix élevé, des infractions impunément commises aux lois du maximum, du temps qu’il fallait perdre à faire queue pour obtenir peu de chose, de l’inégalité des répartitions. Les trafiquants accréditèrent le bruit que les marchandises regorgeaient autour de Paris où le maximum seul les empêchait de venir ; il y avait là une part de vérité, il y avait surtout le désir de voir supprimer le maximum pour spéculer avec une sécurité complète ; et les gouvernants ne pouvaient être dupes de leurs procédés. On lit dans le rapport de police du 4 vendémiaire (25 septembre) : « L’aristocratie marchande lève la tête avec audace. Il semble que l’indifférence affectée sur l’inexécution de la loi du maximum prépare, son triomphe… L’agiotage est poussé à son comble ; les gros marchands écrivent, s’agitent, se tourmentent, font des voyages pour accaparer toute espèce de marchandises. »

L’opinion publique admit vite que l’amélioration qu’elle souhaitait avant tout, ne pouvait provenir que d’un changement de système, que le maximum