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Poly et La Ville-Heurnois à mort, il commuait séance tenante cette peine en dix ans de réclusion pour Brothier et Duverne, cinq ans pour Poly et un an pour La Ville-Heurnois.

L’échec de Brothier fut très sensible à Louis XVIII qui avait compté sur sa réussite. Le 10 mars 1797, il rédigeait un nouveau manifeste (Paris pendant la réaction thermidorienne et sous le Directoire, d’Aulard, t. IV, p. 52 et 53) où, redoutant l’effet des papiers saisis, il cherchait hypocritement à l’atténuer et désavouait par la même occasion un manifeste dans lequel, le 1er janvier 1797, Puisaye préconisait l’attitude intransigeante (Moniteur, dans le compte rendu de la séance du Conseil des Anciens du 30 pluviôse an V-18 février 1797) : s’il voulait restaurer l’ancienne autorité de l’Église et de la monarchie, il se disait prêt à la perfectionner et à en réformer les abus, s’efforçait d’apaiser les craintes et de stimuler les appétits, et poussait à agir sur les électeurs. Les royalistes intransigeants ne furent pas satisfaits de ce changement de front qui était un succès pour les soi-disant constitutionnels.

Un de ces derniers, des Pomelles, avait eu la chance de n’être pas englobé dans les poursuites ; il fut chargé de reconstituer l’agence de Paris et de s’occuper, c’est-à-dire « de s’emparer des élections » prochaines, suivant un mot de Frotté (Chassin, Les Pacifications de l’Ouest, t. III, p. 25) ; comme en thermidor an III (juillet-août 1795), c’était de nouveau par elles qu’on songeait à reprendre le pouvoir. Des Pomelles imagina pour cela une organisation copiée, sauf la publicité, sur l’ancienne société des Jacobins ; ce fut « l’Institut philanthropique » (Chassin, idem, t. III, p. 24 et 25). Il devait y avoir un institut dans chaque canton, sous la direction centrale de celui de Paris. Le but de ces « philanthropes » était de « seconder le gouvernement, être son œil et sa sentinelle, dans tous les temps, sur les anarchistes ; être son corps de réserve dans les circonstances critiques ». On appelait « anarchistes » les républicains avancés de l’époque ; or tels étaient pour les royalistes, d’après ce document destiné par eux à rester secret, leurs plus dangereux adversaires, tandis qu’ils pensaient pouvoir lier avantageusement partie avec certains modérés, et il en est exactement de même aujourd’hui : nombreux sont les modérés assez aveugles pour faire le jeu des royalistes et des cléricaux jusqu’au jour où ils sont menacés d’être mangés par eux ; contre ceux-ci il n’y a de résistance redoutée par eux et solide que de la part des républicains avancés ou socialistes.

De son côté, Wickham se rallia, après l’arrestation de Brothier, au système de l’opposition légale ; ses correspondants furent, à Paris, les nommés d’André, ancien Constituant et futur ministre de la police de Louis XVIII, et Berger, auxquels, pour la préparation des élections, il versa des sommes considérables. Il écrivait, le 1er avril 1797, à Grenville : « Le plan que suivent ces messieurs est vaste et sera coûteux, car il s’étend… à toute la France. Je n’ai cependant pas hésité à l’encourager dans son ensemble. J’avoue cer-