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tait l’usage préalable du canon, des grenades et des anciens supplices : la cruauté catholique et royale n’y perdait rien et le jésuitisme était satisfait. Par un arrêté du 14 pluviôse (2 février), le Directoire déféra les accusés à la justice militaire. Cette décision était aussi peu régulière au point de vue de l’équité que celle relative à l’affaire du camp de Grenelle ( chap. xiii). Mais, tandis que, pour les républicains avancés, pour les patriotes, les condamnations avaient été prononcées malgré tout sans désemparer, et que les exécutions immédiates avaient suivi les condamnations à mort, le souci de la justice s’éveilla subitement, en faveur des royalistes, chez des gens qui n’avaient pas protesté lorsqu’il s’agissait des premiers. Il y eut même à cet égard conflit entre le Directoire et le tribunal de cassation. Le 28 ventôse (18 mars), les défenseurs, après avoir demandé au conseil de se déclarer incompétent, et celui-ci ayant résolu de joindre sa décision sur ce point à celle sur le fond, avaient dénoncé cette résolution aux Cinq-Cents et au tribunal de cassation. Le lendemain, après l’audition d’une lettre du ministre de la Justice portant (Moniteur du 2 germinal an V-22 mars 1797) que « si les conseils de guerre s’arrêtaient aux incidents élevés, il en résulterait des longueurs dont la discipline militaire aurait beaucoup à souffrir », le conseil de guerre passait outre aux débats malgré l’avis que la question d’incompétence avait été renvoyée par le tribunal de cassation à l’examen d’une de ses sections. Le même jour, 29 ventôse (19 mars), les Cinq-Cents entendaient la lecture de la réclamation des défenseurs, et chargeaient une commission d’étudier la question ; le 30 (20 mars), ils recevaient connaissance d’un message du Directoire demandant « si les jugements des conseils de guerre permanents sont sujets à revision », et du rapport de la commission soutenant que, pour ces jugements, il n’y avait pas possibilité de recours en cassation. Ajournée ce jour-là, la discussion reprit les 1er, 2 et 3 germinal (21, 22 et 23 mars) ; à cette dernière séance, les Cinq-Cents eurent communication d’un message du Directoire qui leur transmettait un arrêté de ce jour même annulant une décision par laquelle, la veille, le tribunal de cassation avait ordonné que les pièces de la procédure instruite par le conseil de guerre lui seraient apportées, et, après un très vif débat, ils votaient, conformément à la proposition de la commission, l’ordre du jour sur la pétition des défenseurs. Le 8 germinal-28 mars (Moniteur du 11-31 mars), le tribunal de cassation, toutes sections réunies, constatait qu’il « n’avait aucun moyen coercitif pour exécuter lui-même ses jugements », et annonçait qu’il allait rendre compte au Corps législatif de l’obstacle auquel se heurtait son premier jugement ; la lettre du tribunal fut, le 10 germinal (30 mars), lue aux Cinq-Cents qui, à une grande majorité, passèrent à l’ordre du jour. Si, le 19 germinal an V (8 avril 1797), à une heure et demie du matin, le conseil de guerre, devant lequel les débats s’étaient poursuivis au milieu de tous ces incidents depuis le 22 ventôse (12 mars), condamnait Brothier, Duverne de Praile,