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qu’un arrêté du 27 ventôse an IV (17 mars 1706) avait, ordonné une enquête pour écarter les patriotes restés dans l’administration. Après l’arrestation de Babeuf, nouvelle hécatombe ; un rapport reproduit dans le recueil souvent cité de M. Aulard (t. IV, p. 231) le prouve, et l’historien royaliste et catholique, M. Sciout, l’avoue en disant que la découverte de la conjuration avait décidé le Directoire « à destituer un certain nombre de Jacobins et à ménager un peu les modérés » qui « s’efforcèrent d’en tirer le meilleur parti possible » (Le Directoire, t. II. p. 256 et 257). Ce sont les protégés des modérés et des ralliés ou soi-disant constitutionnels qui occupaient, par conséquent, la plupart des postes en 1796 (an IV-an V), année pendant laquelle M. Sciout n’a pas eu de peine à découvrir une quantité de faits d’incurie, de gaspillage et de concussion. Les tribunaux, en particulier, devait dire Briot, dans la séance du Conseil des Cinq-Cents du 21 brumaire an VII (11 novembre 1798), avaient été « peuplés de complices des prêtres et des émigrés » ; « la plupart de ceux qui composent les bureaux sont les mêmes que ceux qui les composaient en Vendémiaire », lit-on dans le rapport de police du 3 germinal an V-23 mars 1707 (recueil d’Aulard, t. IV, p. 18).

Non contents de mettre la main sur les places, ceux qui dissimulaient leurs véritables sentiments derrière des opinions de parade, et qui n’étaient républicains que dans la mesure où ils pouvaient exploiter la République, se préoccupèrent uniquement de favoriser la politique de réaction. Un nommé Vaublanc, royaliste élu député, avait été traduit devant des juges que sa qualité rendait incompétents, et condamné à mort par contumace pour les événements de Vendémiaire ; le 13 fructidor an IV (30 août 1796), le Conseil des Cinq-Cents et, le 15 fructidor (1er septembre), le Conseil des Anciens annulèrent la condamnation ; mais, sans le renvoyer devant le tribunal compétent, ils l’admirent à siéger. Par les lois du 12 prairial (31 mai) et du 28 fructidor an IV (14 septembre 1796), ils interprétaient dans un sens favorable aux ecclésiastiques réfractaires certaines dispositions de lois précédentes. Ils revenaient deux fois à la charge contre la loi du 3 brumaire an IV (25 octobre 1795) visant les émigrés et les prêtres réfractaires. En cette circonstance, des modérés firent le jeu des royalistes travestis en constitutionnels : ils sont restés nombreux dans leurs rangs ceux qui réservent toute leur acrimonie pour les républicains sincères et ont des trésors d’indulgence pour les ennemis de la République. Le résultat fut, après une vive discussion, la résolution des Cinq-Cents, du 16 brumaire an V (6 novembre 1706), devenue, par son adoption au Conseil des Anciens, la loi du 14 frimaire an V (4 décembre 1706) ; son article 1er accordait le bénéfice de l’amnistie du 4 brumaire an IV (26 octobre 1795) aux actes commis par les royalistes en Vendémiaire et le refusait aux Conventionnels tels que Barère « contre lesquels la déportation a été nominativement prononcée par les décrets du 12 germinal an III » (1er avril 1795) ; les art. 2, 3, 4 et 5 étendaient l’exclusion des diverses fonctions publiques