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CHAPITRE XIV

CAMPAGNES D’ALLEMAGNE ET D’ITALIE

(brumaire an IV à ventôse an V — novembre 1793 à février 1797.)

Nous avons vu (chap. ix) que Jourdan avait été obligé de revenir sur la rive gauche du Rhin, que Mayence avait été débloquée et que les troupes laissées par Pichegru aux environs de Mannheim avaient dû s’éloigner. Le 21 brumaire an IV (12 novembre 1795), Desaix était battu à Frankenthal ; toute l’armée de Rhin-et-Moselle devait se replier jusque sous Landau (25 brumaire-16 novembre), et la garnison de Mannheim capitulait le 30 (21 novembre). Quoique l’ensemble des opérations fût, malgré quelques revers, favorable aux Autrichiens, ceux-ci, ayant perdu beaucoup d’hommes et fatigués par le mauvais temps, firent offrir de suspendre les hostilités ; un armistice ne devant prendre fin qu’après avertissement donné dix jours à l’avance, fut signé le 10 nivôse an IV (31 décembre 1795).

En Italie, Scherer, malgré le renfort des troupes venues des Pyrénées-Orientales, se trouvait en face d’un ennemi supérieur en nombre et occupant, sous les ordres du général Dewins, de Loano aux montagnes voisines du Tanaro, de très fortes positions. Le 2 frimaire an IV (23 novembre 1795), il l’attaqua ; les divers combats connus sous le nom de bataille de Loano, se terminèrent, le 4 (25 novembre), grâce à Massona, par la déroute complète des Austro-Sardes. Presque aussitôt on occupa Garessio, et le général piémontais Colli fut poursuivi jusque sous Ceva où il se réfugia. Contrairement à ses instructions, Scherer ne marcha pas sur Ceva. Il est vrai que son armée était dans des conditions matérielles déplorables, sans ressources pour y remédier, et cela en partie parce que « toutes les administrations… volent impudemment la République » (lettre de Scherer à Le Tourneur, du 3 frimaire an IV-24 novembre 1795, citée par G. Fabry, Histoire de l’armée d’Italie, 1795-96, t. Ier, p. 32). Se basant là-dessus, Scherer, au lieu d’aller de l’avant, arrêta les opérations et prit ses quartiers d’hiver ; par suite, Kellermann, à l’armée des Alpes, dut se décider à l’imiter. Après s’être convaincue qu’elle n’avait plus à redouter une attaque, l’armée sarde en fit autant. Les Français étaient échelonnés entre le col de Tende et Savone, les Sardes entre Ceva et Asti, les Autrichiens entre Asti et Tortona.

Quoique avec regret, le Directoire accepta la situation due à l’irrésolution de Scherer, qui allait entraîner pour les troupes un accroissement de souffrances sans la moindre compensation. Manquant, pendant les mois d’hiver, des vivres et des effets les plus nécessaires, les soldats se laissèrent souvent aller au désordre, à la désertion, au pillage ; et le Directoire ne pouvant