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ple (Archives nationales, W3 563), explique ce qui fit échouer ce projet : l’urgence de réparations dans le local occupé par Buonarroti, Darthé et Didier, ayant obligé à déplacer les trois prisonniers, ceux-ci demandèrent avec tant d’insistance à occuper de nouveau le même local qu’ils éveillèrent les soupçons ; de là, une surveillance plus active et la découverte, le 9 thermidor (27 juillet), des préparatifs d’évasion. Le 13 fructidor (30 août), à deux heures et demie du matin, Babeuf et seize de ses co-détenus quittaient le Temple, dans des voitures grillées construites exprès, pour être transférés à Vendôme où ils arrivaient le 15 (1er septembre) à cinq heures et demie du soir et où déjà d’autres prévenus étaient arrivés. C’étaient les bâtiments de l’abbaye de la Trinité — aujourd’hui caserne de cavalerie — qui devaient servir de prison aux accusés et de local à la Haute Cour.

Quelques jours après leur arrivée à Vendôme, leurs partisans tombaient à Paris dans un piège tendu par Barras pour détruire le parti avancé. Une certaine agitation avait persisté à Paris après l’arrestation des Égaux ; les patriotes ébauchaient des projets pour les sauver ; « deux amis » de Barras, d’après Buonarroti (t. Ier, p. 191, note), les poussèrent à se rendre au camp de Grenelle et distribuèrent de l’argent aux soldats, quelques officiers affectèrent d’être disposés à marcher contre le Directoire, les patriotes se laissèrent convaincre. « Le rassemblement des patriotes dans la plaine de Grenelle, dit Baudot dans ses Notes historiques (p. 211), fut une machination du ministre de la police, Cochon Lapparent, et du directeur Barras contre les patriotes mécontents et malavisés. Cochon et Barras employèrent Méhée comme agent provocateur ». Dans la soirée du 23 fructidor an IV (9 septembre 1796), ils se présentèrent au camp pour fraterniser avec les soldats et se portèrent, en particulier, vers la tente du chef d’escadron Malo, commandant du 21e régiment de dragons composé d’hommes de l’ancienne légion de police : Malo qui était censé favorable à leur dessein, les chargea ; beaucoup furent tués ou blessés dans ce guet-apens, 132 furent arrêtés. Quel avait été le nombre des assaillants ? « Environ 200 hommes… se portèrent de suite à la tente du citoyen Malo », d’après le rapport de Cochon, ministre de la police ; le régiment de Malo « était attaqué et surpris par environ 400 hommes », d’après le rapport fait au général en chef de l’armée de l’intérieur par le général Foissac-Latour commandant de la 1re division ; on avait eu affaire à « un corps de brigands armés au nombre de 6 à 700 », d’après un premier message du Directoire aux Anciens et aux Cinq-Cents ; « 7 ou 800 brigands viennent de se montrer d’après le second message du Directoire aux Cinq-Cents ; et ces documents concordants étaient tous les quatre datés du 24 fructidor-10 septembre (Moniteur du 26 et du 29 fructidor-12 et 15 septembre).

Le gouvernement fit opérer de nombreuses arrestations de patriotes et une commission militaire siégeant au Temple procéda par fournées : elle prononça, le troisième jour complémentaire (19 septembre), 13 condamnations