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qu’à nos journaux. Les Égaux eurent recours enfin aux chansons. Voici quatre des onze couplets, signés « M » — copiés sur le placard original des Archives nationales (W3 561, 15me liasse) — de celle qui eut le plus de succès parmi les ouvriers, et dont l’auteur fut Sylvain Maréchal (Buonarroti, t. II, p. 230, note). L’air était celui de : On doit soixante mille francs ou C’est ce qui me désole, dans un opéra-comique de 1787, les Dettes, de Champen.

CHANSON NOUVELLE A L’USAGE DES FAUBOURGS

1er couplet

Mourant de faim, mourant de froid.
Peuple ! dépouillé de tout droit.
Tout bas tu te désoles : (bis)
Cependant le riche effronté,
Qu’épargna jadis ta bonté.
Tout haut, il se console, (bis)

2e couplet

Gorgés d’or, des hommes nouveaux,
Sans peines, ni soins, ni travaux,
S’emparent de la ruche : (bis)
Et toi, peuple laborieux.
Mange, et digère si tu peux,
Du fer, comme l’autruche, (bis)

9e couplet

Hélas ! du bon peuple aux abois.
Fiers compagnons, vainqueurs des rois,
Soldats couverts de gloire ! (bis)
Las ! on ne vous reconnaît plus.
Eh ! quoi ! seriez-vous devenus
Les gardes du prétoire ? (bis)

10e couplet

Le peuple et le soldat unis,
Ont bien su réduire en débris
Le trône et la Bastille : (bis)
Tyrans nouveaux, hommes d’État,
Craignez le peuple et le soldat
Réunis en famille, (bis)

Le comité secret comptait surtout sur les ouvriers, sur « le zèle des prolétaires, seuls vrais appuis de l’égalité « , a écrit Buonarroti (t. Ier, p. 189), et, en particulier, sur les travailleurs des faubourgs Saint-Marcel et Saint-Antoine ; c’est sur eux qu’il s’efforça avant tout d’exercer sa propagande. Sa circulaire du 19 germinal an IV (8 avril 1796) à ses agents principaux dans les arrondissements, leur demandait de lui donner le « compte des ateliers qui peuvent s’y trouver, du nombre des ouvriers qui y sont employés, du genre de leurs travaux, de leur opinion connue, etc. ». (Copie des pièces saisies dans le local que Babeuf occupait lors de son arrestation, t. II, p. 173)