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5 novembre 1795). Les difficultés de la vie suscitèrent de nombreuses demandes d’augmentation de salaires, d’autant plus justifiées que les chefs d’atelier diminuaient ceux-ci lorsque baissait le prix des denrées, comme nous l’apprend le rapport de police du 14 pluviôse an IV (8 février 1790). Le 4 frimaire (25 novembre), l’augmentation demandée ayant été refusée dans « plusieurs grands ateliers », les ouvriers, dit le rapport, « ont mis bas ». M. Aulard dans son recueil (Paris pendant la réaction thermidorienne et sous le Directoire) souvent signalé d’où je tire ces renseignements, paraît surpris de cette dernière expression qu’il a éprouvé le besoin de signaler comme textuelle (t. II, p. 427) ; or c’est là une expression ouvrière que les typographes, en particulier, emploient toujours : la mise bas est l’action de déposer l’outil, la cessation de travail.

Le 23 frimaire (14 décembre), la police surveilla des ouvriers imprimeurs qui s’étaient rassemblés dans un cabaret pour se concerter sur une augmentation à demander. Le 2 nivôse (23 décembre), c’était le tour des débardeurs du port Saint-Bernard qui s’étaient réunis rue de Seine, se plaignant de ne plus pouvoir vivre. Le 20 nivôse (10 janvier 1796), les porteurs de sacs de grains employés au magasin de l’Assomption, rue Saint-Honoré, ayant réclamé une augmentation furent remplacés par des soldats. Le lendemain (11 janvier), il y eut, à l’atelier où on achevait les canons, rue de Lille, un refus des ouvriers de continuer les travaux sans une augmentation ; le commissaire de police militaire reçut l’ordre de se transporter à cet atelier pour faire cesser cette « mutinerie ». En revanche, des rapports des 20 et 23 nivôse (10 et 13 janvier), il résulte que les ouvriers ne trouvaient plus à s’occuper parce que, pour se venger de l’emprunt forcé, beaucoup de manufacturiers fermaient leurs établissements, comptant, en accroissant ainsi la misère de leurs ouvriers jetés sur le pavé, les amener à se soulever, sans qu’on songeât à déranger un commissaire pour si peu. Le 8 prairial (27 mai), les imprimeurs travaillant à l’imprimerie des lois, « prévenus d’avoir voulu exciter un mouvement parmi les ouvriers de cette imprimerie », étaient arrêtés par ordre du Directoire. Une quarantaine d’ouvriers « de l’atelier du citoyen Fournier, entrepreneur des bâtiments de la République », étant allés se plaindre auprès du juge de paix d’être insuffisamment payés, furent éconduits et menacés par le juge, pour le cas où ils se représenteraient plus de quatre devant lui (rapport du 5 messidor an IV-23 juin 1796). Enfin, le 1er thermidor (19 juillet), la troupe était envoyée afin d’empêcher un mouvement présumé des ouvriers du port Saint-Bernard, qui avaient parlé « d’exiger de l’augmentation ». Le payement des salaires en assignats ou en mandats, alors que les marchands n’acceptaient que le numéraire, fut cause aussi, dans cette même année, de mécontentements trop justifiés. D’après le rapport du 8 messidor (26 juin), des rassemblements avaient eu lieu dans le faubourg Saint-Antoine, entre les ouvriers ébénistes, chapeliers et autres réclamant le payement en numéraire