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lait acquérir, et le contrat de vente lui en était passé à condition d’en payer le prix moitié dans les dix jours, moitié dans les trois mois ; la valeur du bien était calculée à raison de vingt-deux fois le revenu net en 1790 pour les biens ruraux, à raison de dix-huit fois ce revenu pour les maisons, usines et les cours et jardins en dépendant. À défaut de baux, le revenu net pour les biens ruraux était déclaré égal à quatre fois le montant de la contribution foncière de 1793, et, pour les autres biens, devait être estimé par experts. C’était la suppression, pour les ventes des biens nationaux, de la concurrence et de la publicité qui existaient dans le système de l’adjudication employé précédemment (voir fin du chap. vi). Mais, au plus grand nombre, les mandats ne servaient que comme monnaie ; et, en leur donnant cours de monnaie, la loi du 28 ventôse ajoutait que « la vente des monnaies d’or et d’argent entre particuliers » était prohibée. De même que le Directoire avait, sous le nom de « rescriptions », escompté l’emprunt forcé dès qu’il avait été voté, il mit aussitôt en circulation, en attendant les mandats, des « promesses de mandats » autorisées par la loi du 29 ventôse (19 mars 1796). C’est sous cette forme qu’on put tout de suite apprécier le peu de succès du nouveau papier. Ou s’empressa, par la loi du 7 germinal an IV (27 mars 1796), d’édicter des peines sévères contre ceux qui refuseraient de le recevoir ; de plus, achats, ventes ou transactions ne purent être désormais stipulés ou exigés qu’en mandats ; une loi du 15 germinal suivant (4 avril 1796) détermina le payement en mandats des obligations antérieures spécifiées payables en assignats ou en valeur métallique ; mais resta payable en grains, conformément à deux lois antérieures (§ 9 du chapitre précédent), la moitié de certains fermages de biens ruraux et aussi tout ce qui avait été stipulé payable de la sorte. Ces mesures furent impuissantes à enrayer la baisse.

CHAPITRE XIII

LA CONJURATION DES ÉGAUX

(Germinal an IV à prairial an V — mars 1796 à mai 1797)

Issu d’une Constitution qui faisait du droit de participer aux affaires publiques un privilège, le Directoire se préoccupa surtout — l’emprunt forcé ayant été plus un expédient de gens aux abois qu’une exception — de sauvegarder les intérêts des catégories privilégiées ; dans les conflits entre ouvriers et patrons, il fut toujours contre les ouvriers. Certains de ceux qui étaient employés à la fabrication des assignats ayant cessé le travail (Stourm, Les finances de l’ancien régime et de la Révolution, t. II, p. 308), quatre d’entre eux, Lelandau, Cabut, Noël et Blanchard, considérés comme meneurs, furent jetés en prison par décision du Directoire du 14 brumaire an IV