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influente que sous le Directoire, et de « Clichyens « donné à ses membres.

Les royalistes des deux Conseils s’étaient tout de suite mis à leur œuvre de réaction, ils obtenaient, le 16 brumaire (7 novembre), des modérés du Conseil des Cinq-Cents et, le lendemain, du Conseil des Anciens, la mise en liberté de Rovère, Saladin, Aubry et Lomont arrêtés pour avoir participé au mouvement insurrectionnel du 13 vendémiaire. Le 17 (8 novembre), ils étaient moins heureux au Conseil des Cinq-Cents ; leur proposition de rapporter la loi du 3 brumaire précédent excluant les émigrés et leurs parents de toute fonction publique, était rejetée. La même assemblée, le 15 nivôse {5 janvier 1796), et les Anciens, le 18 (8 janvier), en vertu de cette loi et après de longs débats, prononcèrent l’exclusion d’un des organisateurs des compagnies de Jésus, le député J.-J. Aymé, et huit autres exclusions furent successivement prononcées : la vérification des pouvoirs se faisait alors comme l’examen de n’importe quel projet de loi ; les Cinq-Cents se prononçaient sur toutes les élections par voie de résolutions que les Anciens avaient ensuite à approuver ou à rejeter. Mais, lorsqu’il s’était agi, le 17 frimaire (8 décembre 1795), de sévir contre les auteurs des abominables massacres de Marseille, la majorité du Conseil des Cinq-Cents avait jugé qu’il n’y avait pas lieu à délibérer. Les feuilles catholiques et royalistes, qui défendaient les assassins, acclamèrent cette décision ; les muscadins manifestèrent dans les théâtres, au point que le Directoire dut interdire leurs chants séditieux ; il prescrivit en même temps de jouer, avant le lever du rideau, les airs patriotiques tels que la Marseillaise et le Chant du départ. L’anniversaire du 21 janvier fut officiellement fêté le 1er pluviôse avec une grande solennité ; dans les deux Conseils tous les membres, nous l’avons vu tout à l’heure, jurèrent « haine à la royauté », alors que beaucoup d’entre eux cherchaient déjà à la rétablir : l’Église et le roi honorent ces faux serments et les faussaires.

Le 28 frimaire an IV (19 décembre 1795), la fille de Louis XVI, Marie-Thérèse-Charlotte, avait quitté la prison du Temple et Paris ; conduite à Bâle, où elle était arrivée le 4 nivôse (25 décembre), elle avait été, le lendemain, remise aux envoyés de l’empereur d’Autriche, tandis que les représentants Bancal, Camus, Lamarque, Quinette et le ministre de la guerre Beurnonville, livrés par Dumouriez, le représentant Drouet pris dans une sortie pendant le siège de Maubeuge, les agents diplomatiques Maret et Sémonville arrêtés sur territoire neutre par les Autrichiens, tous prisonniers depuis 1793, étaient rendus à la liberté. La fille de Louis XVI devait, le 10 juin 1799, épouser son cousin le duc d’Angoulême, fils du comte d’Artois. Les négociations relativement à son échange avaient duré six mois.

Quelques jours avant son départ, le 6 frimaire (27 novembre), le comte Carletti, ministre à Paris du grand-duc de Toscane, pour qui elle était toujours une princesse royale, avait demandé à lui faire « une visite de compli-