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dans les assemblées et souvent si importants : les sièges étaient « séparés les uns des autres », les places tirées au sort chaque mois, nul ne pouvant « en aucun cas et sous aucun prétexte, occuper pendant le mois un autre siège que celui qui lui était échu ».

Les cinq membres du Directoire devant être choisis par les Anciens sur une liste de 50 membres dressée par les Cinq-Cents, ceux-ci inscrivirent entête de leur liste La Revellière, Reubell, Sieyès, Le Tourneur, Barras, en queue Cambarérès et au milieu 44 noms inconnus. Les Anciens, tout en se plaignant d’un procédé qui leur forçait la main, élirent, le 10 brumaire (1er novembre), les cinq premiers. Ce jeu recommença pour remplacer Sieyès qui avait motivé son refus sur « la conviction intime et certaine », mais non durable,de n’être « nullement propre aux fonctions du Directoire exécutif » ; des dix noms proposés par les Cinq-Cents, tous étaient inconnus sauf ceux de Carnot et de Cambacérès. Le 13 (4 novembre), les Anciens nommèrent Carnot. Les directeurs s’installèrent au Luxembourg, où la manie du protocole et du panache allait engendrer un cérémonial et des costumes ridicules, conformes, d’ailleurs, à l’esprit et à la lettre de la Constitution de l’an III.

D’après cette Constitution, il devait y avoir de six à huit ministères ; la loi du 10 vendémiaire an IV (2 octobre 1795) en avait établi six. Furent nommés ministres, le 12 brumaire (3 novembre), Merlin (de Douai) à la justice, Benezech à l’intérieur, Charles Delacroix aux affaires extérieures, le général Aubert du Bayet à la guerre ; le lendemain, Truguet à la marine et aux colonies, le 17 brumaire (8 novembre), sur le refus de Gaudin, Faipoult aux finances. Le 19 pluviôse (8 février), le portefeuille de la guerre passait d’Aubert du Bayet à Petiet. Un septième ministère, celui de la police générale, fut créé par la loi du 12 nivôse an IV (2 janvier 1796). Les directeurs, le 14 brumaire (5 novembre), adressèrent au peuple une proclamation dans laquelle ils affirmaient leur « ferme volonté » de « consolider la République » et de « livrer une guerre active au royalisme ». C’était bien là la politique à suivre ; mais la largeur d’esprit qu’elle exigeait manqua aux modérés, qui ne tardèrent pas à revenir à toutes leurs étroitesses de parti conservateur ou rétrograde suivant les circonstances.

Nous avons vu que les événements de Vendémiaire avaient entraîné la libération des patriotes. Parmi ceux qui furent relâchés avant l’amnistie du 4 brumaire était Babeuf. Nous l’avons laissé (chap. vi) au moment de son incarcération à Arras, le 25 ventôse an III (15 mars 1795), dans la maison d’arrêt dite des Baudets. Déjà à cette époque, il avait une notoriété qui poussa les patriotes détenus à entrer en relations avec lui ; tel fut bientôt le cas de Charles Germain, de Narbonne, ancien lieutenant de hussards, incarcéré en floréal (avril) dans une autre prison d’Arras. Il était cependant interdit aux détenus de communiquer avec le dehors, et Babeuf se plaignait de cette interdiction, le 19 germinal (8 avril), à son ami Fouché dans une lettre où il