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leur rapportait « la vente d’un porc ou d’un bœuf » (Sagnac, Ibid., p. 211 et 212, note). Aussi la loi du 2 thermidor an III (20 juillet 1795), déjà citée à propos de la contribution foncière (§1er), décida (art. 10) que les fermiers « à prix d’argent » des biens ruraux payeraient la moitié du prix du bail avec la quantité de grains (froment, seigle, orge ou avoine) que cette moitié représentait en 1790 ; cette obligation fut supprimée par l’art. 1er (voir chap. xv) de la loi du 18 fructidor an IV 4 septembre 1796). Pour les baux postérieurs à la loi du 4 nivôse an III (24 décembre 1794) qui abrogeait le maximum, une loi du 3 brumaire an IV (25 octobre 1795) avait expliqué que la quantité exigible en grains était celle qui représentait la moitié du fermage à l’époque du bail et non en 1790. La baisse des assignats fut cause, d’autre part, lors de nouveaux baux, que certains propriétaires, du Centre notamment, préférèrent au revenu fixe, mais plus ou moins payé en monnaie courante par le fermier, le revenu variable, mais en nature, du métayage ; habituellement le propriétaire louait aux métayers « soit à moitié grains en leur rendant les pailles, soit au tiers franc en ne faisant point cette réserve » (Nouveau cours complet d’agriculture, t. II, p. 173) ; dans le Gers, le métayer ou « bordier » recevait la moitié franche (bulletin de la Société d’agriculture précédemment cité).

Ayant eu l’occasion de jeter un coup d’œil sur les minutes d’une étude de notaire du Sud-Ouest, de la fin de l’an III au milieu de l’an VII, j’ai trouvé dans cette période vingt-six baux à ferme, 1 de un an, 2 de trois ans, 3 de vingt-neuf ans et 20 de six ans. En l’an III et en l’an IV, on contracte généralement à moitié fruits avec obligation de ne semer la même pièce de terre que deux années consécutives sur trois. Ensuite, la clause sur la jachère disparaît et on trouve fréquemment que le payement consiste en la livraison d’un sac de froment par journal de terre et par an : en ce pays le journal valait 22 ares 43 centiares et demi, et le sac 83 litres 24 ; dans les mêmes conditions, il est parfois demandé, suivant les terres, plus d’un sac et parfois moins, la nature du grain à livrer varie aussi. En l’an VII, j’ai trouvé 40 francs par journal et par an comme prix fixé.

Le bétail était rare et médiocre, sinon mauvais. Son utilité pour l’engrais et sa valeur comme viande de boucherie étaient, dit de Pradt (t. Ier, p. 148), presque partout méconnues ; la première erreur nuisait à sa quantité et la seconde à sa qualité. On ne lui demandait guère de fournir que des bêtes de somme dont la nourriture était toute l’année le fourrage ordinaire vert ou sec ; dans les régions où on ne faisait pas travailler les bœufs, on les tuait, entre trois et quatre ans. Un des motifs allégués pour le maintien des jachères était la nécessité d’avoir un pacage pour suppléer au manque de fourrage pendant les mois stériles de l’année, comme si les prairies artificielles et l’usage des légumineuses n’auraient pas mieux atteint ce but. Pour expliquer une diminution du bétail à cette époque, la Décade philosophique du