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tions, mais en préférant certainement pour lui un autre régime, à nourrir son personnel « d’après les procédés du comte de Rumford ». « Yankee baronnisé, Benjamin Thompson, dit le comte Rumford », lit-on dans le Capital de Karl Marx (édition française, t. 1er p. 263, col. 2) avait commencé, en 1796, la publication à Londres d’un ouvrage, Essays political, economical, etc., qui est « un vrai livre de cuisine ; il donne des recettes de toute espèce pour remplacer par des succédanés les aliments ordinaires et trop chers du travailleur ». Avec « les potages à la Rumford » — Delaître nous énumère tous les ingrédients constituant celui de son personnel à qui il songeait à ne donner que cette soupe « deux fois par jour » — 115 personnes coûtaient à nourrir 11 fr. 16 par jour ; elles avaient, en outre, l’avantage de n’avoir pas besoin d’aller à une station thermale pour se faire maigrir.

Le Moniteur du 2 brumaire an -VII (23 octobre 1798), dans la liste des industriels récompensés à l’Exposition, ajoute, à la suite du nom de Le Petit-Walle à qui ses « rasoirs fins » ont valu une mention : « Cet artiste instruit et emploie des enfants tirés des hospices ». Parmi d’autres faits de ce genre, en voici encore un : d’après la Décade philosophique du 20 ventôse an VI-10 mars 1798 (t. XVI), « Boyer-Fonfrède, propriétaire d’une manufacture considérable à Toulouse, vient d’y associer les hospices civils de Toulouse, Montauban, Carcassonne et autres environnants ; le gouvernement l’a autorisé à y choisir 500 enfants pour les employer dans sa manufacture, à la charge par lui de veiller à leurs mœurs, de faire apprendre à lire et à compter à ceux qui ne le savent pas, et de les faire instruire dans les principes du gouvernement républicain ». On ne nous dit pas cette fois quelle règle était posée limitant le travail à tirer de ces malheureux enfants.

Le compagnonnage qui avait subsisté, malgré l’interdiction prononcée par l’arrêt du Parlement de Paris du 12 novembre 1778, fut encore entravé par les lois des 2 mars et 14 juin 1791 ; ses membres durent s’abstenir de toutes manifestations extérieures qui ne reparurent que sous le Consulat, avec le retour aux anciennes traditions religieuses. Un homme bien renseigné, Réal, écrivait, le 22 février 1813, dans une note officielle : « Ces coteries (les sociétés de compagnons) neutralisées pendant la période révolutionnaire, où elles n’avaient plus d’objet, ont reparu depuis que les éléments du corps social se sont replacés et fixés » (Martin Saint-Léon, Le Compagnonnage, p. 78, note). Le compagnonnage n’en persista pas moins ; l’admission de certaines professions dans le compagnonnage date même de cette époque ; l’initiation des maréchaux ferrants est, d’après Perdiguier, de 1795, et l’admission officielle de la société des plâtriers « initiée en 1703 » date de 1797 (Idem).

Nous avons eu l’occasion de voir (chap. iii) pour la période de la Convention, et nous verrons par la suite (chap. xiii, xvii et xx), pour la période du Directoire, que le gouvernement intervenait toujours, dans les mouvements les plus calmes relatifs aux conditions du travail, contre les ouvriers.