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logerie, ouverte dans l’ancien monastère de Beaupré, à cinq kilomètres de Besançon, comprenant deux cents élèves par an, dont moitié entretenus aux frais de la République. Dans son rapport — où il exagérait, d’ailleurs, la production de la manufacture — Boissy d’Anglas, après avoir dit : « la matière ne vaut pas, dans une montre d’argent, le huitième, et, dans une montre d’or, le tiers de son prix », évaluait « la montre d’argent à 50 livres et la montre d’or à 120 livres en espèces ». Un arrêté du Directoire du 24 ventôse an IV (14 mars 1796) régla les conditions d’apprentissage des élèves, dont la durée ne pouvait excéder cinq ans.

Malgré les subventions de l’État, la crise due au prix des subsistances, la stagnation du commerce, la mauvaise administration et les spéculations de Mégevand, la contrebande de Genève d’abord, son annexion ensuite contribuèrent à la décadence de la manufacture et de l’école. Les meilleurs artistes avaient fini par travailler à leur compte, chacun dans leur partie, en se donnant mutuellement du travail dans les diverses spécialités. Cependant, d’une enquête envoyée le 15 prairial an VI (3 juin 1798) au ministre de l’Intérieur, il résulte que la manufacture comptait encore 862 artistes et ouvriers. D’après les bulletins du contrôle (Études sur l’horlogerie en Franche-Comté, par Lebon, p. 128), la production de Besançon fut de 5 734 montres en l’an II, de 14 756 en l’an III, de 11 307 en l’an IV, de 15 863 en l’an V, de 15 324 en l’an VI, de 9 470 en l’an VII. Le quart environ de cette production est sorti de la manufacture, les trois quarts des ateliers particuliers ; sur ces 72 454 montres, il y en avait eu un peu moins de 8 000 en or. En tout cas le résultat fut plus durable à Besançon qu’à Versailles. De la tentative, par la loi du 7 messidor an III (25 juin 1795), de création dans cette dernière ville d’une manufacture d’horlogerie « mécanique et automatique », c’est-à-dire de celle qui se complique d’airs, de mouvements d’animaux, etc., il ne restait plus rien au bout de quelques années ; cependant le jury de l’Exposition de l’an VI (Moniteur du 2 brumaire an VII-23 octobre 1798) signalait tout spécialement les produits de cette manufacture.

Ce serait une erreur de prendre ici les mots fabriques et manufactures dans le sens qu’ils ont aujourd’hui. Peuchet, que j’ai déjà eu l’occasion de citer, nous apprend (Statistique élémentaire de la France, p. 392) que manufactures et fabriques ne différaient « ni par la nature de la matière qu’on y travaille, ni par la nature des opérations que cette matière y subit, mais seulement par la plus ou moins grande réunion de ces opérations, et la plus ou moins grande quantité des objets qui en résultent ». La manufacture, en ce sens, était plus importante que la fabrique. Malgré l’appui qu’on leur donnait, les manufactures avaient de la peine à durer, et le Journal des arts et manufactures, en l’an III (t. Ier, p. 92), le constate en expliquant le fonctionnement de la manufacture d’horlogerie de Besançon dont je viens de parler. Les chefs d’ateliers sérieux, dit-il, ayant leur amour-propre, n’aiment point