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ter, indépendante, dans son administration, du pouvoir et de l’influence du gouvernement ». Une note publiée par le Moniteur du 9 nivôse an V (29 décembre 1796) constatait que cette assemblée de commerçants s’était séparée sans accepter un seul des « quatre plans de banque qui lui ont été remis par le ministre », mais après avoir indiqué les bases qu’elle proposait : défense formelle à l’État d’intervenir d’une manière quelconque dans cette banque, sauf pour lui faire « abandon absolu de biens fonds ou de valeurs certaines » dont il n’aurait même pas le droit de lui demander compte. Cela prouve qu’alors comme aujourd’hui, le principe des capitalistes en matière d’intervention de l’État était : tout pour eux, rien contre eux ni pour les autres. Une des revendications de cette impudente assemblée fut « le rétablissement de la contrainte par corps » ; nous avons vu §2 que, sur ce point, elle eut satisfaction.

Au début de l’an VII, la situation de la place de Paris était très difficile, de nouveau la raréfaction du numéraire s’était accentuée, les intérêts à payer par ceux qui devaient se procurer de l’argent étaient énormes ; le Moniteur du 15 frimaire an VII (5 décembre 1798) annonçait la fondation « d’une caisse d’échange de papiers de portefeuille qui doit suppléer au défaut du numéraire en acquittant l’un par l’autre ». Pour faciliter leurs transactions, certains gros négociants ou banquiers avaient antérieurement organisé deux établissements de crédit : en 1796, la « caisse des comptes courants », société en commandite qui escomptait à trois mois d’échéance au plus les effets revêtus d’au moins trois signatures, et dont le directeur général, Augustin Monneron, prit la fuite, le 27 brumaire an VII (17 novembre 1798), laissant, de son propre aveu, un déficit de deux millions et demi (Moniteur du 1er frimaire-21 novembre 1798) ; et, le 4 frimaire an VI (24 novembre 1797), la « caisse d’escompte du commerce » qui devait être, en germinal an XI (avril 1803), réunie à la Banque de France. Cette caisse avait pour but d’escompter leurs effets aux associés, d’émettre les billets qui lui étaient fournis par les actionnaires pour la partie de leur mise payable de la sorte ; elle recevait en compte courant le numéraire et les effets à recouvrer ; avec les sommes encaissées, elle payait les mandats tirés sur elle par les bénéficiaires de ces sommes. Les premiers actionnaires, au nombre de douze, réunissaient 47 actions ; à la fin de frimaire an VII (vers le 15 décembre 1798), il y avait 103 actionnaires et 551 actions. Le 5 floréal an VI (24 avril 1798), des négociants avaient fondé à Rouen dans le même but une banque d’escompte pour une durée de neuf années (Dictionnaire universel de commerce, édité par Buisson, t. Ier, p. 340 et 241).

Ce ne fut pas seulement pour des banques que les sociétés par actions reparurent. Dès l’an III (Journal des arts et manufactures, t. Ier, p. 184-188) on recommandait le placement en commandite qui, sous l’ancien régime, avait été très pratiqué, à Lyon par exemple, et qui, pour le moment, contribuait au succès de la manufacture de Saint-Gobain ; le prêteur touchait une