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lieue de poste ou 3 933 mètres ; 10 sous en l’an V et en l’an VI. En 1798-99 (an VII), le transport de Paris à Lille (58 lieues de poste valant 228 kilomètres) coûtait — toujours sur l’impériale — 23 francs et le voyage durait 2 jours ; de Paris à Nantes (97 lieues 1/2-353 kilom.), 39 fr., durée 4 jours ; de Paris à Besançon (100 lieues 1/2-395 kilom.), 40 fr., durée 5 jours ; de Paris à Toulouse (182 lieues-716 kilom.), 72 fr., durée 7 jours. Il y avait, de Paris, un départ tous les deux jours pour Lille et pour Nantes, et trois départs par décade pour Besançon et pour Toulouse ; la périodicité était la même de ces diverses localités à Paris. En vertu de la loi du 10 vendémiaire an IV (2 octobre 1795), nul ne pouvait quitter le territoire de son canton sans un passeport délivré par l’administration municipale. Le transport des choses coûtait, par lieue, pour 100 livres — un peu moins de 50 kilos — en diligence, ce qui équivalait à notre grande vitesse, 6 sous 1/2 en l’an III, 5 sous en l’an V, VI et VII ; dans les mêmes conditions, en fourgon, ce qui équivalait à notre petite vitesse, 5 sous en l’an III, 3 sous en l’an V. 2 sous en l’an VI et VII. La navigation intérieure était également utilisée pour le transport des choses et des personnes. Fleuves et canaux servaient même, pour de grandes distances, plus qu’aujourd’hui, proportionnellement au nombre total des voyageurs. Des coches d’eau partirent, par exemple, de Paris pour Troyes, Auxerre et Briare d’un côté, pour Rouen de l’autre ; le prix, jusqu’en l’an VII, fut en moyenne de 3 sous par lieue soit pour une personne, soit pour 100 livres de marchandises ; en l’an VII, il y eut une légère diminution (Almanach national).

Ce qui nuisit beaucoup au commerce dans la seconde moitié de notre période, ce fut le défaut de sécurité provenant et du mauvais état des routes, dont j’ai déjà parlé (§2), et surtout du brigandage. Les attaques à main armée furent chose trop fréquente ; une d’elles est devenue une cause célèbre, c’est l’assassinat du courrier de la malle de Lyon, le soir du 8 floréal an IV (27 avril 1796), à trois kilomètres environ de Lieusaint, sur la route de Melun : un des deux condamnés à mort pour ce crime, Lesurques, exécuté à Paris le 9 brumaire an V (30 octobre 1796), a été, d’après l’opinion publique, victime d’une erreur judiciaire.

La Normandie, la Picardie, l’Île de France, en particulier, furent troublées par les bandes des chauffeurs, ainsi nommés parce qu’ils brûlaient les pieds de leurs victimes pour les obliger à indiquer les cachettes où était leur argent. Certains de ces brigands étaient des professionnels du royalisme de grande route ; M. de la Sicotière (Louis de Frotté et les insurrections normandes, t. II, p. 580-581, note) l’a reconnu : « La bande de chauffeurs, fléau de l’Eure et de la Seine-Inférieure en 1796 et 1797, et dont quatorze membres furent guillotinés d’une fournée à Évreux, le 10 janvier 1798, comptait un certain nombre de chouans ». Cependant je dois ajouter que, d’après lui (Ibid., p. 579). « la plupart des chauffeurs étaient tout à fait étrangers à