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que comme instrument pour faire de l’argent, sans souci de son utilité. Quelques coups de spéculation édifiaient une fortune, puis la culbutaient (les Goncourt, Histoire de la société française sous le Directoire, p. i62) seules restaient debout, toujours plus grosses, les grosses fortunes que leur énormité rendait maîtresses du marché. Pour tous les autres, c’était la ruine à brève échéance, la misère retombant sur eux, parfois rendue plus pénible par quelques lueurs d’opulence entrevues. Les restaurants, rares avant, se multiplièrent. Dans les divers genres de commerce, chacun s’ingénia, pour l’emporter sur ses nombreux rivaux, à provoquer les passants ; de là vinrent les savants étalages et leur prolongement au dehors, sur la rue ou sur les trottoirs qu’on commençait, en 1796, nous l’avons vu dans le §2, à établir dans certaines rues. La voie publique était également obstruée par les colporteurs et les marchands ambulants, contre lesquels protestait, dans les mêmes termes qu’aujourd’hui, en faveur des marchands en boutique, le conseil consultatif de commerce (archives du ministère du Commerce), dans sa séance du 22 germinal an V (11 avril 1797) ; quelques jours après, le bureau central de Paris décidait de faire disparaître les « boutiques volantes » et, le 8 prairial suivant (27 mai), il signalait aux commissaires de police les « étalages abusifs » (recueil d’Aulard, t. IV, p. 71 et 139).

L’annonce commerciale était encore rare ; en l’an IV (1796), d’après les Mémoires de M. Richard Lenoir (p. 174), « on ne connaissait pas la méthode des annonces ; un seul marchand à Paris se servait de ce moyen, c’était Marion. Nous suivîmes son exemple ; non seulement Lenoir annonça la réouverture de l’ancienne maison à prix fixe de son père, mais il ajouta que l’on reprendrait le lendemain les marchandises vendues la veille, si elles ne convenaient plus à l’acquéreur. On ne saurait dire combien cette condition nous amena de monde. Nos linons partirent dans le mois, au prix de seize francs la robe de quatre aunes », soit 4 mètres 75 à 3 fr. 36 le mètre. « Au bout de six mois, ajoute-t-il (p. 175), nos ventes montaient à quinze cents francs par jour ». Quant à la réclame et à la variété de ses procédés charlatanesques, l’initiative paraît appartenir à Bonaparte : « Bonaparte, le premier, inaugure l’instrument », a constaté M. Félix Bouvier (Bonaparte en Italie - 1796, p. 531).

On n’a pas de documents sur le chiffre des importations et des exportations au début de notre période. Mais (Journal d’économie publique, de morale et de politique, t. III, p. 228, et Statistique de la France, de 1838, volume sur le commerce extérieur, p. 7), il fut importé, en l’an IV (septembre 1795 à septembre 1796), pour 194 125 000 francs ; en 1797, pour 353 158 000 francs ; pour 298 248 000, en 1798 et pour 253 068 000, en 1799. En l’an IV, il fut exporté pour 191 718 000 francs ; en 1797, pour 211 124 000 francs ; pour 253 117 000, en 1798 et pour 300 241 842, en 1799. En particulier (Journal d’économie…, n° du 20 germinal an V-9 avril 1797, cité plus haut), il était importé, en l’an IV, pour 38 804 000 francs de matières brutes propres à l’industrie ; en