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placement actuel où elle reprit le cours de ses représentations, le 11 prairial an VII (30 mai 1799), sous le nom de Théâtre Français.

Durant notre période, l’Opéra occupait une salle à côté du Théâtre Louvois que je viens de mentionner, là où est maintenant le square Louvois ; sous le nom de Théâtre des Arts, il y avait donné sa première représentation le 20 thermidor an II (7 août 1794).

À la suite de l’incendie de l’Odéon, le Directoire s’était empressé, par un arrêté du 1er germinal an VII (21 mars 1799), publié par le Moniteur du 5 (26 mars), de prescrire aux directeurs de théâtres diverses mesures de sécurité et notamment une surveillance constante exercée par des pompiers à leur solde. C’était là une manifestation de ce zèle que nous voyons encore s’éveiller le lendemain des catastrophes et retomber, au bout de quelques jours, dans sa somnolence accoutumée.

§ 7. — Commerce.

Au point de vue du commerce, mais non des consommateurs, la première partie de notre période fut préférable à la seconde partie et surtout à la période précédente : « Le commerce de France offre aujourd’hui des ruines et des débris », disait Robert Lindet à la fin de l’an II (20 septembre 1794) dans le rapport à la Convention mentionné au chapitre ii. Au début de l’an III il y eut véritablement une frénésie de trafic ou plutôt de spéculation que la lutte pour l’existence contribua beaucoup à généraliser : d’après les rapports de police (recueil d’Aulard, t. II, p. 49 et 52), en dehors des gros propriétaires, des voleurs et des filles publiques, « il n’y a que les gens de commerce et les agioteurs qui peuvent maintenant se procurer l’existence » (rapport du 12 thermidor an III-30 Juillet 1795, Ibid., p. 122) ; « on voit des marchands ci-devant peu fortunés acheter de belles maisons et des terres en campagne » (rapport du 18 fructidor an III-4 septembre 1795, Ibid., p. 216). Tout le monde s’en mêlait. On lit dans la Vedette du 29 nivôse an III-18 janvier 1795 (Id., t. Ier, p. 401) : « Depuis que les réquisitions et le maximum sont abolis, tout le monde fait le commerce ; ne croyez pas que ce soit chez des marchands en gros, chez ces grands détaillants, dans les grands magasins, les spacieuses boutiques que vous trouverez tout ce dont vous pouvez avoir besoin ; montez dans presque toutes les maisons, au deux, trois ou quatrième étage, on vous montrera des comestibles, des draps, toiles et autres objets à vendre ». Ainsi les marchandises envahissaient les étages après avoir transformé les rez-de-chaussée en bazars où, côte à côte, se voyaient les produits les plus divers (Mercier, Nouveau Paris, chap. ccxxi) : sucre et tabac, sel et mouchoirs, suif et dentelles, poivre et charbon, chapeaux et diamants, montres et pain, livres, huile, farine, tableaux et café, les mêmes marchandises sortaient d’une boutique pour entrer dans une autre ; car les transactions avaient surtout lieu entre trafiquants n’appréciant plus la marchandise