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copies de ces prototypes, déposées aussi aux Archives, qui sont devenues les étalons légaux pour la France : le mètre et le kilo de l’an VII, laissés aux Archives, n’ont plus qu’une valeur historique.

Si, dans la période révolutionnaire, on s’est, d’une façon générale, indiscutablement intéressé aux œuvres scientifiques, en fut-il de même pour les œuvres d’érudition ou d’art ? Cela est contesté par certains auteurs d’autant plus sévères qu’ils le sont de parti pris. Sans doute, des destructions regrettables ont eu lieu ; seulement ces destructions, qui n’ont pas été spéciales à cette période, caractérisent non l’esprit des révolutionnaires, mais l’ignorance des esprits qui étaient en la circonstance ce que l’ancien régime les avait faits. C’est ce qu’a dû constater l’homme dont les rapports mensongers du 14 fructidor an II, 8 brumaire et 24 frimaire an III (31 août, 29 octobre et 14 décembre 1794) sur les actes de « vandalisme » ont été exploités avec amour par tous les réactionnaires, l’évêque Grégoire. Entre parenthèses, lorsque celui-ci, parlant du « vandalisme », a écrit dans ses Mémoires (t. Ier, p. 346) : « Je créai le mot pour tuer la chose », il s’est vanté, du moins dans sa prétention d’avoir été le premier à vouloir empêcher la chose. Quant à la création du mot. M. Eugène Despois (Le vandalisme révolutionnaire, p. 222) a objecté, à tort, que ce mot se trouvait déjà dans un rapport de Lakanal (voir Procès-verbaux du comité d’instruction publique, de J. Guillaume, t. Ier, p. 478) : en tout cas, ce rapport aboutit à un décret de la Convention du 6 juin 1793 ayant pour but de réprimer la chose : « La Convention nationale, ouï le rapport de son comité d’instruction publique, décrète la peine de deux ans de fers contre quiconque dégradera les monuments des arts dépendant des propriétés nationales ». Grégoire a dit lui-même de ces dégradations dans le dernier rapport cité plus haut (Moniteur du 27 frimaire-17 décembre, p. 365) : « Voilà les effets de l’ignorance ». C’est ce qu’a avoué aussi, sans le vouloir, M. Courajod ; parlant de la Convention après Thermidor, il écrit dans son volume, Alexandre Lenoir, etc. (p. xxii) : « Elle ne changea pas et elle ne pouvait pas changer les mœurs, les idées et le tempérament révolutionnaires » ; or (p. clxx). il remarque que « ces hommes étaient tels que les avait faits le milieu dont ils sortaient ». Ce que ne pouvait changer la Convention, ni avant ni après Thermidor, n’était donc, de l’aveu de M. Courajod, que le résultat du régime monarchique qui les avait ou plutôt ne les avait pas éduqués et qui paraît lui avoir été cher. La preuve que ce critique a plus écouté ses passions rétrogrades qu’un amour désintéressé de l’art, se trouve dans sa manière d’apprécier ce qu’il ne peut vraiment pas désapprouver : quand le blâme ne lui est pas possible, on agissait « plus ou moins consciemment » (p. xxiii) ; quand on a parlé trop clairement dans son sens pour permettre la moindre insinuation d’inconscience, « on hurlait… en faveur de l’art » (p. xliv). Du reste, les Courajod toujours prêts à calomnier outrageusement les partis avancés, savent