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Et l’ajournement demandé en ces termes fut prononcé. Dans le message du 3 brumaire an VII (24 octobre 1798) dont il a été question à propos de l’enseignement primaire, le Directoire avait, d’une façon générale, reconnu la nécessité des pensionnats.

Dès le 1er prairial an IV (20 mai 1796), il y avait à Paris deux écoles centrales, celle des Quatre-Nations dans le palais actuel de l’Institut et celle du Panthéon qui est devenue le lycée Henri IV. Le 1er brumaire an VI (22 octobre 1797), fut ouverte l’école de la rue Saint-Antoine devenue le lycée Charlemagne. Il y eut à Paris un établissement qui pouvait obvier un peu à l’inconvénient de l’externat dans ces écoles, ce fut le « collège des boursiers ». Les bourses établies sous l’ancien régime n’ayant pas été supprimées et la loi du 25 messidor an V (13 juillet 1797) ayant ordonné la restitution des biens affectés aux fondations de bourses — dans l’intervalle les boursiers avaient reçu des secours — 42 départements se trouvaient avoir ainsi droit à 950 places gratuites pour l’éducation d’enfants à Paris. Les boursiers affectés aux divers collèges de Paris, et qui n’atteignaient pas ce nombre, avaient été réunis dans l’ancien collège Louis-le-Grand, là où est aujourd’hui le lycée de ce nom, et la dénomination de « Prytanée français » fut substituée à celle de « collège des boursiers » le 12 thermidor an VI (30 juillet 1798). Une tentative pour développer cet établissement et en étendre les avantages à toute la France se heurta, au Conseil des Cinq-Cents, à deux reprises, le 19 fructidor an VI (5 septembre 1798) et le 28 brumaire an VII (18 novembre 1798), à un ajournement. Le local de l’ancien collège Sainte-Barbe fut annexé au Prytanée où, nous apprend le Publiciste du 7 germinal an VII (27 mars 1799), le gouvernement « permet depuis quelque temps que des externes soient reçus, et déjà 120 élèves logés chez leurs parents viennent chaque jour y recevoir les leçons ». À un autre point de vue, cet établissement perdait son caractère fondamental ; on lit, en effet, dans le Journal des hommes libres du 24 messidor an VII (12 juillet 1799) : « On compte, parmi les enfants des pauvres élevés aux dépens de la République au Prytanée français, un fils de l’ex-Directeur Treilhard, un fils de Bougainville qui a 30 000 francs de rente, un fils d’un des plus riches apothicaires de Paris et cent autres dont l’admission est un vol fait à la classe indigente et nombreuse des défenseurs de la patrie » (recueil d’Aulard, t. V, p. 435 et 614).

Un message du Directoire ayant soumis au Conseil des Cinq-Cents la question de savoir s’il ne conviendrait pas d’établir une chaire de langues vivantes dans chacune des écoles centrales de Paris, donna lieu, le 17 fructidor an IV (3 septembre 1796), à ce rapport de Mercier dont j’ai parlé tout à l’heure ; il concluait négativement : « Des langues étrangères ! je croyais qu’il n’y avait plus qu’une langue en Europe, celle des républicains français ». C’était déjà le procédé d’outrecuidant chauvinisme auquel nos nationalistes ont recours pour faire, eux aussi, obstacle au progrès. Malgré l’opposition de Lamarque,