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payée par chaque propriétaire « en proportion de ce qu’il a », de ses possessions territoriales.

À la nouvelle de la prise de la Bastille, d’après des notes biographiques de sa main contenues dans le dossier du procès de faux que j’ai retrouvé, il part pour Paris où il arrive le 17 juillet. Son humanité éclate dans cette belle lettre à sa femme, déjà reproduite par Jaurès (Histoire socialiste, t. Ier, p. 267), où il raconte, le 25 juillet, la mort de Foulon et de Bertier. Pendant quelque temps dans une situation misérable, à la recherche des moyens de vivre, il tentait, avec un nommé Audiffred, l’exploitation d’un « nouvel instrument trigonométrique » ; il avait écrit, pour essayer de gagner quelque argent, une brochure ironiquement attribuée à Mirabeau dont il se méfiait, et finalement il quittait Paris, après la journée du 5 octobre, et revenait dans la Somme.

Le 28 février 1790, on voulut rétablir à Roye, où il n’était plus acquitté depuis le 19 juillet 1789, le droit d’aides sur les boissons. Les débitants refusèrent de se soumettre et Babeuf les soutint en attaquant violemment les aides et les gabelles dans une brochure « qui électrisa, a-t-il dit, tout le peuple de la Somme et anticipa la suppression de ces impôts ». La municipalité de Roye la dénonça à la Cour des aides et le « Comité des recherches de l’Assemblée nationale » ordonna de veiller à ce qu’elle ne fût plus réimprimée. Babeuf protesta vivement, le 10 mai, dans une lettre à ce Comité ; arrêté et conduit à Paris, il était depuis cinq semaines incarcéré à la Conciergerie, lorsque Marat protesta en sa faveur dans l’Ami du Peuple du 4 juillet 1790. Babeuf fut mis en liberté provisoire assez tôt, paraît-il, pour pouvoir assister à la première fête de la Fédération. De retour dans la Somme, il revenait à la charge et, au nom d’un grand nombre d’intéressés, présentait à la municipalité de Roye, le 17 octobre 1790, une motion relative à l’impôt en général et, en particulier, aux impôts indirects ; il réclamait la suppression de l’exercice à domicile et l’égalité de tous, bourgeois comme débitants, devant l’impôt. Dénoncé à ce sujet par le maire Longuecamp, vers la fin du mois, au tribunal de Montdidier, « il ne paraît pas, devait dire le directoire du département le 14 avril 1791, dans une nouvelle dénonciation, que ce tribunal ait fait aucune poursuite » (Archives nationales, D. xxix 116-122 14, liasse de la Somme). Vers la même époque (octobre 1790), il fonda à Noyon un journal, le Correspondant picard qui, à la fin de 1790 et en 1791, eut quarante numéros. Il entreprit une campagne contre tous les droits féodaux et toutes les redevances seigneuriales et poussa les campagnards à ne plus se soumettre à ces tributs ; à ce propos, de nouvelles poursuites furent encore dirigées contre lui à l’instigation de Longuecamp, et avortèrent.

Élu, le 14 novembre 1790, membre du conseil général de la commune de Roye, il ne siégea que jusqu’à la fin de décembre, ses ennemis, Longuecamp toujours en tête, ayant, de parti pris, cherché et réussi à faire annuler son élection par l’administration départementale, en prétendant que le décret de