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de Moussac avec une cinquantaine ; parlant de la situation des instituteurs, il disait : « L’an passé, celui de Saint-Chaptes a gagné 150 francs et il dit que l’année a été bonne ; il ne peut obtenir de la commune le payement de 100 fr. qui lui sont dus pour tenir lieu de la non jouissance d’un jardin ; j’y ai perdu mon temps et mes peines » (F. Rouvière, Mercredis révolutionnaires, p. 68).

Répondant, dans son bulletin du 23 pluviôse an VII (11 février 1799), à un questionnaire du ministre de l’Intérieur sur l’état du département, la Société d’agriculture du Gers écrivait : « On n’a pu encore parvenir à organiser les écoles primaires. Sur 53 cantons, il n’y en a encore que 17 qui aient des instituteurs ». En l’an VI, un arrêté de l’administration départementale avait dû, « pour se défendre contre la propagande anti-républicaine », ordonner « la fermeture de 36 écoles ou pensionnats tenus, la plupart, par des prêtres ou d’anciennes religieuses » (La Révolution française, revue, t. XXXVII, p. 567).

Dans le Loir-et-Cher (Ch. Métais, L’Instruction publique à Vendôme pendant la Révolution), la municipalité de Vendôme se préoccupa, à toutes les époques, de l’enseignement primaire ; en l’an VI, elle avait sept écoles publiques, quatre de filles et trois de garçons, et elle surveillait attentivement les écoles privées qui, de leur côté, étaient nombreuses.

Pour le département de l’Oise, la situation des écoles primaires pendant notre période était ainsi résumée en 1801, dans un rapport du préfet, cité par M. A. Pontliieux dans ses Notes sur l’ancien diocèse de Noyon : « La délibération que l’ancien département a prise pour organiser les écoles primaires, n’a pu être exécutée ; elle présentait des difficultés qu’il n’a pas été possible de vaincre. Aussi il existe très peu d’écoles primaires dans le département. On voit encore, dans différentes communes, l’ancien magister faire l’école, enseigner à lire, à écrire et les premières règles de l’arithmétique ; mais ces écoles ne sont pas suivies. Comme les instituteurs n’ont aucun traitement fixe, qu’ils ne sont payés que par les parents des enfants qui fréquentent l’école, ce sont pour la plupart des personnes sans capacité » (p. 134). À Berlancourt, près de Noyon, le magister « nommé sous l’ancien régime, Caron, continua à exercer ses fonctions jusqu’à 1802 » (p. 132).

Certains membres des Cinq-Cents eurent beau, à différentes reprises, notamment le 19 prairial an IV (7 juin 1796),le 27 brumaire an VI et le 22 brumaire an VII (17 novembre 1797 et 12 novembre 1798) demander un traitement fixe, même minime, pour les instituteurs, ils ne purent l’obtenir. Or, combien de parents, on vient de le voir, qui ne payaient pas et qui, si on insistait trop, retiraient leurs enfants ! En beaucoup d’endroits, les instituteurs n’avaient même pas le logement que la loi leur attribuait. Comment, dans ces conditions, auraient-ils pu persister et lutter contre les écoles privées rapidement fondées par le clergé ou, sous sa direction, par d’anciens membres des congrégations religieuses d’hommes et de femmes ? Lorsque,