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l’appui de son appréciation, l’auteur du projet mentionnait en note un fait qui s’était passé cinq jours avant et qui concernait un des nouveaux élus, le général Willot (voir fin du chap. xv) : « Le 24 de ce mois, le général Willot a été reçu apprenti franc-maçon à la loge du Centre des Amis, première loge du Grand Orient de France ». Un rapport sur le mois de brumaire an VII (octobre-novembre 1798) dit, en parlant des royalistes, que, « enfermés dans des loges maçonniques, ils croient échapper aux regards de la police » (Ibidem, t. V, p. 219). Le journal avancé de l’époque, le Journal des hommes libres, du 23 messidor an VII (11 juillet 1799), se montrait hostile aux francs-maçons (Ibidem, t. V, p. 613). On a vu (chap. viii) que les prêtres émigrés reçurent les secours des francs-maçons anglais.

§ 4. — Enseignement.

Une bonne organisation de l’enseignement aurait été un excellent moyen d’enrayer la puissance cléricale ; mais c’était là une de ces réformes capitales dont les petits désavantages pour les privilégiés de la fortune l’emportent, aux yeux de beaucoup de républicains modérés, sur leurs immenses avantages pour la République même ; aussi est-ce surtout en cette matière que la réaction politique commencée en 1794 se fait sentir.

De la loi du 29 frimaire an II (19 décembre 1793) rapportée par Bouquier, après un vote de la Convention, le 21 frimaire (11 décembre 1793), accordant la priorité à son projet contre celui dont Romme était rapporteur, il résultait que l’enseignement primaire serait laïque, gratuit et obligatoire. Ceux qui, à notre époque, prétendent, sous prétexte de liberté, laisser aux congrégations la faculté de donner l’enseignement primaire et secondaire — alors que leur enseignement dominé par le dogme, c’est-à-dire par la prohibition fondamentale du libre examen, constitue la plus grave atteinte à la liberté de penser, à laquelle l’enseignement primaire et secondaire a précisément pour but essentiel de fournir ses moyens d’action, d’où la liberté des congrégations aboutissant à la violation de la liberté du corps social en la personne de ses jeunes membres — tirent argument de ce que cette loi débutait (art. 1er) par les mots : « L’enseignement est libre » ; mais ils se gardent bien de dire dans quelles conditions s’exerçait cette liberté.

Les personnes qui voulaient user de la faculté d’enseigner, devaient le déclarer à la municipalité et « produire un certificat de civisme et de bonnes mœurs signé de la moitié des membres du conseil général de la commune ou de la section du lieu de leur résidence, et par deux membres au moins du comité de surveillance de la section, ou du lieu de leur domicile, ou du lieu qui en est le plus voisin » (art. 3). Cette précaution restrictive dont l’oubli constitue une véritable falsification historique, est d’autant plus remarquable que cette loi était faite pour un milieu où la loi du 18 août 1792 avait préala-