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du reste, certains d’entre eux avaient pu à cet égard impunément violer la loi ; un journal cité par Aulard dans son recueil (t. II, p. 174), le Messager du soir du 1er fructidor an III (18 août 1795), écrivait : « On rencontre dans la rues des prêtres en soutane ». D’après un rapport du 19 prairial an VI (7 jour 1798), il y avait alors à Paris « quinze édifices ouverts aux catholiques », sur lesquels sept étaient aux prêtres dits gallicans ou constitutionnels et huit aux papistes ; les plus achalandés de ceux-ci opéraient à Saint-Gervais, à Saint-Jacques et à Saint-Eustache.

Si peu importants qu’ils fussent en réalité, les prêtres « constitutionnels », « assermentés » ou « jureurs », qui rêvaient d’harmoniser le catholicisme et la société civile républicaine, ne peuvent cependant pas être oubliés. Dès le mois de novembre 1794, cinq de leurs évêques s’étaient réunis à Paris, sous la direction de Grégoire, pour aviser aux moyens de réorganiser leur Église. La loi du 2e jour sans-culottide de l’an II (18 septembre 1794) qui rompit le lien entre leur Église et l’État en supprimant légalement les traitements qu’en fait ils ne touchaient pas depuis quelques mois, les avait contrariés ; car, en ne leur permettant plus de compter sur autre chose que sur leurs propres forces, elle allait révéler toute leur faiblesse. Ils eurent beau, dans leur « encyclique » du 25 ventôse an III (15 mars 1795), préconiser un système d’élection pour la nomination de leurs dignitaires, proscrire le mariage des prêtres, exiger d’eux l’austérité des mœurs, ce n’est pas à eux qu’alla la masse catholique. On vit, en effet, à cette époque, ce qu’on a vu en France chaque fois qu’il y a eu division entre catholiques ; la masse de ceux d’entre eux pour lesquels la religion est, non pas une simple affaire de civilité puérile, mais une croyance têtue ou un intérêt sérieux, suivit les réfractaires. Quels que soient ceux qui conseillent à cette masse de se rallier à la forme républicaine, alors même qu’est soupçonnée l’arrière-pensée qui motive ces conseils, ce n’est jamais que la minorité qui se rallie sincèrement ; pour la majorité, la souveraineté consciente du peuple reste, ouvertement ou non, l’ennemie dont il faut, sous une forme ou sous une autre, entraver le libre essor.

Ce fut donc aux réfractaires soumissionnaires que la foule religieuse alla surtout. Le 28 thermidor an V (15 août 1797), eut lieu à Notre-Dame de Paris, l’ouverture d’un concile des anciens constitutionnels sous la présidence de l’évêque de Rennes, Le Coz, et ils siégèrent librement pendant et après le coup d’État du 18 fructidor an V (4 septembre 1797). Ils s’occupèrent encore de la discipline de l’Église, prêchèrent ingénument la concorde, votèrent un « décret de pacification » et parlèrent d’arrangement à des gens, les vrais catholiques, qu’ils appelaient les « dissidents », et le pape, bien décidés à ne pas leur laisser faire leurs conditions. Au fond, ils n’eurent jamais que peu d’influence et ce peu alla toujours en diminuant.

Les protestants — calvinistes et luthériens — et les juifs n’étaient pas nombreux ; ne pouvant songer à être les maîtres, les ministres de leurs cultes