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On sait que le calendrier républicain avait divisé le mois de trente jours en trois périodes de dix jours dont le dernier, nommé décadi, remplaçait le dimanche, comme la décade remplaçait la semaine. La loi du 7 vendémiaire an IV (29 septembre 1795) interdisait sagement de contraindre à observer ou à ne pas observer « tel ou tel jour de repos ». Le Directoire, par une circulaire du ministre de l’Intérieur, commença, le 29 brumaire an VI (19 novembre 1797), à engager les fonctionnaires à observer le décadi, et les ministres du culte à fixer au décadi les offices du dimanche. Ces exhortations naïves furent suivies d’injonctions ridicules : l’arrêté du 14 germinal an VI (3 avril 1798) prohiba le dimanche et imposa d’une façon générale la célébration du décadi ; la loi du 17 thermidor an VI (4 août 1798) ordonna la fermeture des magasins et boutiques, le décadi, sauf pour les « ventes ordinaires de comestibles et objets de pharmacie » ; celle du 13 fructidor an VI(30 août 1798) prescrivit une fête pour chaque décadi, et décida que le décadi serait le seul jour où les mariages pussent être célébrés, celle du 23 de ce même mois (9 septembre 1798), confirmant les décisions de l’arrêté du 14 germinal précédent défendit d’employer ou de rappeler l’ancien calendrier « dans tous les actes ou conventions, soit publics, soit privés,… ouvrages périodiques, affiches ou écriteaux ». Ce furent des vexations sans fin allant jusqu’aux visites domiciliaires.

On aurait voulu pousser au renversement du régime établi, qu’on ne s’y serait pas pris différemment. Sur la valeur des prêtres dont ces persécutions imbéciles servaient la cause, nous avons, pour le département du Nord qui n’était nullement signalé comme une exception, le témoignage de Fourcroy écrivant dans son rapport (Rocquain, État de la France au 18 brumaire, p. 225) : « Il en est parmi eux d’ignorants et de crapuleux ; beaucoup refusent de se soumettre aux lois » ; or, le clérical M. Sciout déclare lui-même (Le Directoire, t. IV, p. 58G) que les rapports publiés par M. Rocquain « méritent toute confiance ». Quant à la situation que leur avaient faite les lois sur la liberté des cultes et sur la séparation des Églises et de l’État, voici ce qu’on lit dans l’organe des anciens constitutionnels, les Annales de la religion du 6 messidor an V-24 juin 1797 (t. V, p. 192), résumant un état, fait au début du mois de vendémiaire précédent (fin septembre 1796), dans les bureaux du ministère des finances, « de toutes les communes qui avaient repris l’exercice public de leur culte » : « On en comptait déjà, il y a neuf mois, 31 214 ; de plus, 4 511 étaient en réclamation pour l’obtenir ; enfin, dans cet état, il n’était point question de Paris ; les grandes communes n’étaient comptées que pour une église. Voilà bien à peu près nos 40 000 anciennes paroisses ». En l’an IV (1796), nous savons pour la Haute-Garonne que, « dans presque toutes les communes, on sonnait la messe, l'angelus, etc. », contrairement à la loi (La Révolution française, revue, t. XLI, p. 224). De même les prêtres avaient repris leur costume ; dès leur rentrée,