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mort contre le gouvernement établi et se servit pour cela sans scrupule des moyens les plus condamnables ».

En cette conjoncture le Directoire voulut recourir à la répression. Que celle-ci soit parfois indispensable, ce n’est pas douteux ; mais c’est une maladresse de s’en tenir à elle. Il est des réformes qui portent plus loin, atteignant la source du mal que la répression laisse subsister. D’autre part, lorsque, reculant par ignorance, faiblesse ou obstination devant les réformes qui, seules, seraient vraiment efficaces, on compte exclusivement sur la répression pour remédier à une situation difficile, il arrive fréquemment d’aboutir, bon gré mal gré, à la constatation de son insuffisance et, par un entraînement naturel, à son extension croissante. Or, s’il est des cas où la répression peut et doit être sévère, elle ne doit jamais, dans l’intérêt même de la cause qu’elle sert à défendre, tourner à la persécution. Le Directoire, il est vrai, eut à lutter contre le mauvais vouloir des Conseils, la plupart des modérés, selon une tactique toujours chère à leur parti, s’efforçant de se concilier les bonnes grâces du clergé. Royer-Collard soutint, le 26 messidor an V (14 juillet 1797), que le gouvernement devait contracter avec la religion catholique « une alliance fondée sur l’intérêt d’un appui réciproque », et qu’il n’y avait pas à craindre que cette religion « abuse de la liberté pour aspirer à la tyrannie » ; en vertu de la thèse que le péril n’est pas à droite, mais à gauche, les modérés d’alors comme ceux d’aujourd’hui, travaillèrent à affaiblir la République et à fortifier ses adversaires. Par la loi du 7 fructidor an V (24 août 1797) furent rapportées — elles devaient douze jours après reparaître sous une forme aggravée — les lois édictant la peine de la déportation ou de la réclusion contre les prêtres réfractaires (début du chap. xvii). En fait, les lois de 1792 et de 1793 dont le Directoire avait prescrit l’application aux tribunaux, étaient restées lettre morte. C’est ce que Briot constatait en ces termes à la séance du Conseil des Cinq-Cents du 21 brumaire an VII (11 novembre 1798) : « Dans la presque totalité des tribunaux, il n’a pas été possible, depuis le 3 brumaire (an IV) jusqu’au 19 fructidor (an V), d’obtenir la condamnation d’un prêtre déporté, ni même d’un émigré ».

Il y eut une tentative pour supprimer la nécessité de la déclaration imposée aux ministres des cultes. Dans la séance du 27 messidor an V (15 juillet 1797) du Conseil des Cinq-Cents, on discuta la question ainsi posée : « Exigera-t-on une déclaration des ministres des cultes ? » Dans ce Conseil où les modérés unis aux prétendus constitutionnels, aux soi-disant ralliés, étaient moins assurés de la majorité qu’au Conseil des Anciens, même avec l’appui de cette partie flottante qui, dans toutes les assemblées, se préoccupe surtout d’être avec les plus forts, il se trouva au moins un de ces avancés, dont l’espèce n’est malheureusement pas perdue, pour aboutir, avec l’ostentation des principes, à faire le jeu de la réaction.

P. J. Audouin, journaliste qu’il ne faut pas confondre avec le gendre de