Page:Jaurès - Histoire socialiste, V.djvu/185

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

France » ; et les lois réglant le commerce des colonies étaient maintenues (art. 45) « jusqu’à ce que le Corps législatif ait prononcé définitivement sur les objets contenus en l’art. 314 de la Constitution » résumé plus haut. Tout ce qu’il y eut, ce fut la levée de la prohibition sur les sucres raffinés et la réduction de certains droits tels que ceux sur les sucres bruts et sur les cafés, par la loi du 9 floréal an VII (28 avril 1799).

§ 3. Cultes.

Nous avons vu (chap. v et vi) que la liberté des cultes avait été reconnue par la loi du 3 ventôse an III (21 février 1795), qui faisait de leur pratique une affaire privée ; déjà cinq mois avant, la loi du 2e jour sans-culottide de l’an II (18 septembre 1794), en déclarant que l’État ne payerait plus « les frais ni les salaires d’aucun culte », avait en fait inauguré le régime de la séparation des Églises et de l’État et, trois mois après, la loi du 11 prairial (30 mai 1795) permettait aux communes, qui en gardaient la possession avec le droit de les utiliser pour certaines cérémonies civiles, de livrer à l’exercice des cultes les églises non aliénées (chap. vi) : le même édifice put, d’ailleurs, servir et servit effectivement à plusieurs cultes à la fois, dans les localités où il y en avait plus d’un. Seulement, alors que les prêtres qui officiaient dans des bâtiments privés n’étaient pas astreints à cette obligation, ceux qui pratiquaient dans les édifices concédés devaient préalablement se faire décerner par la municipalité acte de leur « soumission aux lois de la République ».

Depuis la Constitution civile du clergé, on distinguait les prêtres en constitutionnels, assermentés ou jureurs, et en réfractaires ou insermentés ; les premiers avaient donné à la Constitution civile une adhésion que les seconds avaient refusée. Après la loi du 3 ventôse (21 février), des réfractaires qui s’étaient soustraits à l’application des lois révolutionnaires du 26 août 1792 et du 23 avril 1793, reparurent publiquement et une nouvelle scission commença dans le clergé catholique français : les réfractaires, jusque-là opposés en bloc aux constitutionnels, se divisèrent en soumissionnaires et insoumissionnaires, les premiers acceptant l’acte de « soumission aux lois » exigé par la loi du 11 prairial (30 mai), les seconds se refusant à cet acte. Ceux-ci, pour la plupart émigrés, restèrent à l’étranger ; leur thèse était qu’en ne se soumettant pas, en s’interdisant ainsi l’exercice du culte, les prêtres rendraient cet exercice impossible et aboutiraient, par l’exaspération de la population qui, à leur avis, devait en être la conséquence, au renversement de la République et à la restauration de la monarchie. Les autres, au contraire, craignaient que, par cette intransigeance, la masse ne leur échappât au profit des anciens constitutionnels, c’est-à-dire des prêtres partisans du régime républicain, et ils jugeaient préférable de se soumettre en apparence aux injonctions légales, afin de pouvoir exercer leur ministère, ce qui était à leurs yeux la condition essentielle