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on sait (chap. x) qu’à partir de l’an XII (1803-1804) certaines restrictions nouvelles seraient entrées en vigueur.

Le formalisme administratif qu’il ne faut pas confondre avec la correction — on en eut la preuve dès le début — et la puissance des bureaux commencèrent à se développer dans cette période ; ce fut l’œuvre, en grande partie, des réactionnaires à qui on les livra et qui s’y fortifièrent. On y entra grâce au favoritisme, on y resta grâce à la servilité envers les chefs directs ; la seule qualité exigée fut une belle écriture, à la grande joie des « professeurs d’écriture » qui ne devaient pas tarder à se multiplier (Edmond et Jules de Goncourt, Histoire de la Société française sous le Directoire, édition de 1893, p. 185, 186 et 188). « La bureaucratie, lit-on dans un rapport présenté par Duplantier aux Cinq-Cents, le 2 fructidor an VI (19 août 1798), est devenue, pour ainsi dire, un pouvoir qui brave souvent l’autorité suprême du gouvernement, et dénature à son gré ses intentions et ses bonnes volontés ».

En matière de travaux publics, il y avait beaucoup à faire ; mais on s’en tenait aux bonnes intentions. « Il y a en France plus de six mille lieues de poste (un peu plus de 23 000 kilomètres), sans comprendre les routes sur lesquelles les postes ne sont pas établies », disait Besson dans un rapport au Conseil des Cinq-Cents le 27 fructidor an IV (13 septembre 1793). Les réparations n’étant pas exécutées à temps, les dégâts s’ajoutaient aux dégâts, les sommes nécessaires devenaient plus considérables et, par cela même, plus difficiles à trouver. On avait beau retarder le payement des ingénieurs et des employés, on manquait d’argent pour les plus urgents travaux d’entretien.

Les opérations de voirie entamées à Paris à notre époque, en dehors des travaux déjà décidés et plus ou moins activement poursuivis, n’eurent pas grande importance, et plusieurs des nouvelles rues furent ouvertes par des spéculateurs après achat de biens nationaux. En suivant l’ordre des arrondissements actuels, nous trouvons (Nomenclature des voies publiques et privées de Paris, par Beck) dans le 2e, en l’an III, la rue de Port-Mahon et la partie avoisinante de la rue de Hanovre, percées par Cheradame sur les terrains de l’hôtel du maréchal de Richelieu ; en l’an V, la rue Lulli, par Cottin, sur le terrain de l’ancien hôtel de Louvois, et le passage, puis rue des Colonnes par Baudecourt ; d’autre part, dans notre période, on inséra assez fréquemment, dans les actes de vente des biens nationaux parisiens, une clause obligeant l’acquéreur soit à percer certaines rues, soit à livrer gratuitement le terrain nécessaire à leur percement ; ce furent les décisions de la « commission des artistes » qui déterminèrent alors les rues à ouvrir : l’art. 2 de la loi du 4 avril 1793 sur la vente des grandes propriétés nationales portait que « des experts » seraient chargés de lever les plans de ces propriétés et de tracer les divisions les plus avantageuses ; dès le mois de juillet suivant, était établie, pour remplir ce rôle d’experts à Paris, une commission d’artistes dont aucun texte ne régla l’organisation ou les attributions ; elle prit d’elle-même