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cherchent à faire des dupes — à toutes les complaisances ; comme il arrive souvent en politique, le scepticisme n’était qu’une façon commode d’éviter la responsabilité de l’action ou une forme hypocrite de complicité. Ce n’est que le jour où la prise d’armes rendit le péril indéniable, que les modérés eurent enfin une conception plus exacte des choses. Le 16 vendémiaire (8 octobre), la Convention créait une commission de dix-sept membres chargée de l’épuration des employés et, en particulier, de ceux qui, atteints par la réquisition militaire, n’étaient pas munis de congés réguliers. La condescendance à l’égard des adversaires de la République avait été telle qu’un journal réactionnaire, le Courrier français du 21 vendémiaire (13 octobre), pouvait écrire ironiquement : « On dit que, sur 117 commis employés au comité de législation, il n’y en a que 115 qui aient pris part à l’insurrection du 13 vendémiaire » (recueil d’Aulard, t. II, p. 320). Le 20 (12 octobre), il était enjoint aux émigrés rentrés sans avoir obtenu leur radiation définitive de la liste — or beaucoup l’avaient obtenue comme prétendues victimes du 31 mai — et occupant cependant des fonctions publiques, de cesser à l’instant leurs fonctions. Le même jour, une autre décision chargeait le comité de saint public « de prendre, dans le plus bref délai, les mesures nécessaires pour mettre en activité les officiers militaires ainsi que les employés des diverses administrations près les armées de terre et de mer qui, après avoir dignement servi et défendu la République, ont été laissés sans emploi, ainsi que pour purger les armées et les places de guerre des officiers généraux et autres qui y ont été employés indûment et au préjudice des militaires républicains ». La nécessité de ces mesures prouve combien les plaintes à ce sujet étaient justifiées et de quelle faiblesse on était coupable.

Le 21 vendémiaire (13 octobre), la Convention se décidait à mettre fin aux persécutions contre les patriotes, interdisait de condamner « les anciens membres des comités révolutionnaires, municipalités et administrations » pour faits politiques et annulait les condamnations de ce genre déjà prononcées. Le 22 (14 octobre), elle défendait de mettre en accusation « aucun citoyen qui ne serait pas prévenu de meurtre, d’assassinat, de vol, d’attentat contre la liberté et la sécurité publique ou autre crime prévu et spécifié par les lois pénales » ; les actes d’accusation visant autre chose que ces délits ou crimes étaient déclarés nuls et ceux contre lesquels ils avaient été dressés devaient être remis en liberté. C’était, avec le décret de la veille et malgré la vive opposition des réacteurs girondins, empressés à refuser aux autres le bénéfice d’une mesure moindre que celle dont ils avaient eux-mêmes bénéficié le 18 ventôse an III-8 mars 1795 (chap. vi), la fin des poursuites politiques sauf, relativement, précisait l’article 7, « aux Chouans et autres rebelles des départements de l’Ouest et de l’intérieur ainsi qu’aux prêtres réfractaires et conspirateurs du 13 vendémiaire ». Defermon demanda sans succès que « Pache, Bouchotte et autres » fussent ajoutés à ces exceptions : tout pour eux