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rons tout à l’heure reprocher aux républicains d’avoir violé à Quiberon une capitulation qui n’a jamais existé.

Pendant que les paysans à qui on avait annoncé un prince du sang, le réclamaient et étaient découragés par son absence, pendant que les gentilshommes aggravaient cette déception en les traitant avec mépris (Idem, p. 453 et 471), la Convention, le 13 messidor (1er juillet), chargeait de « se rendre sur-le-champ dans les départements de l’Ouest » deux de ses membres, Tallien et Blad, qui quittaient Paris le jour même avec l’officier du génie Rouget de Lisle, l’auteur de la Marseillaise, ami de Tallien. De son côté, Hoche n’avait pas perdu son temps. En cinq jours, afin d’éviter les affaires particulières et d’entamer une action générale, il avait concentré ses détachements épars, malgré les difficultés provenant de l’indiscipline de troupes exaspérées par le manque de vivres ; le 14 (2 juillet), il entrait en campagne, refoulant devant lui les paysans qui, avec leurs femmes, leurs enfants, leurs bêtes, leurs prêtres et leurs meubles, allaient s’enfermer dans la presqu’île de Quiberon ; le 19 (7 juillet), il repoussait une tentative de sortie et pouvait écrire à l’état-major qu’il avait laissé à Rennes : « les Anglo-Emigrés-Chouans sont, ainsi que des rats, renfermés dans Quiberon où l’armée les tient bloqués » (Savary, Guerre des Vendéens et des Chouans, t. V, p. 240). Il y avait là entassées plus de 20 000 personnes, c’était la famine à bref délai.

Hoche était installé avec 13 000 hommes à Sainte-Barbe, à l’entrée de la presqu’île ; d’Hervilly décida de l’attaquer le 28 (16 juillet). Le 22 (10 juillet), il faisait transporter par les chaloupes anglaises sept à huit mille individus sur divers points de la côte, autant pour se débarrasser de bouches à nourrir que pour tourner le camp républicain et le prendre entre deux feux. Mais Hoche prévenu par des transfuges, anciens soldats républicains qui, prisonniers sur les pontons anglais, avaient été joints aux émigrés, prit des mesures en conséquence et, le 28 (16 juillet), l’attaque fut repoussée sur tous les points ; d’Hervilly tomba très grièvement blessé, ses troupes durent se réfugier derrière le fort Penthièvre. La veille au soir, le second convoi anglais était en vue ; mais d’Hervilly n’avait pas voulu, pour l’attendre, retarder l’exécution de son plan dont l’heureuse issue lui semblait assurée. Cette nouvelle armée d’environ 2 000 hommes, sous les ordres du comte de Sombreuil que n’accompagnait pas le comte d’Artois, débarqua après la défaite.

Dans la nuit du 2 au 3 thermidor (20 au 21 juillet), une surprise combinée par Hoche avait un succès complet que les royalistes furieux ont attribué à la trahison, quand il n’a été dû qu’à une héroïque audace. Au milieu d’un orage épouvantable 250 grenadiers conduits par l’adjudant général Mesnage, grimpant du côté de la mer de roche en roche, escaladaient le fort Penthièvre et, au moment où les royalistes ne se doutant pas que l’ennemi était au-dessus de leurs têtes, ouvraient le feu des batteries du fort sur les troupes républicaines, celles-ci voyaient flotter au sommet le drapeau tricolore, à la place du dra-