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trouble ; Valenciennes contient un ramas considérable de cette multitude d’hommes impies que l’enfer semble avoir vomi pour désoler la société. Les autorités constituées de Valenciennes étaient toutes gangrenées et composées d’anciens membres des comités révolutionnaires ; heureusement le représentant du peuple Delamarre vient, non pas de les épurer (il n’y avait chez eux que vices), mais de les renouveler en entier ». Il les accusait d’avoir, à leur tour, le 1er prairial (20 mai), songé à méconnaître l’autorité de la Convention.

La bourgeoisie possédante, en affichant impudemment sa domination de classe, en se jetant tête baissée dans la réaction, facilitait la tâche des réactionnaires par excellence, des monarchistes, qui se crurent sur le point de triompher.


CHAPITRE VIII

ROYALISTES AU DEDANS ET AU DEHORS. — QUIBERON.

(nivôse à fructidor an III -janvier à août 1795.)

Le mouvement rétrograde commencé en province dès le mois de fructidor an II (septembre 1794), avait suivi sa marche habituelle ; les maîtres du mouvement furent d’abord les soi-disant modérés, les Girondins, puis les monarchistes honteux et enfin les monarchistes déclarés. À Paris et dans le Nord, la canaille cléricale et royaliste n’osa pas aller trop loin, les républicains y étaient encore trop nombreux ; mais, le poignard à la main, elle domina dans certaines parties de l’Est et dans tout le Midi ; des assassinats de républicains sont constatés à Marseille en nivôse an III (décembre 1794). Les réacteurs formèrent des compagnies ayant leurs statuts, leurs chefs ; à côté des affiliés, étaient les mercenaires composés de ces gens qu’on trouve toujours prêts à tout pour de l’argent. On s’appelait tantôt les Compagnons du soleil, tantôt les Compagnons de Jésus. Depuis, les historiens jésuites se sont efforcés de transformer ici Jésus en Jéhu ; mais voici le témoignage de trois contemporains royalistes et cléricaux.

L’abbé Aimé Guillon de Montléon (Mémoires pour servir à l’histoire de Lyon pendant la Révolution, t. III, p. 219) écrit : « Il s’était formé clandestinement, à Lyon comme à Marseille, une bande de coupe-jarrets… On peut comprendre, à la rigueur, par le grade maçonnique de leurs héros Philippe, le nom de compagnie du Soleil qu’avait pris une pareille agrégation d’assassins, formée de même sous les auspices de Cadroy à Marseille ; mais je ne saurais dire pourquoi celle de Lyon eut le nom de compagnie de Jésus ». On lit dans l'Histoire de la guerre civile en France (t. III, p. 448) de Nougaret : « On ne sait trop ce que signifie cette dénomination, compagnie de Jésus, com-