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nients et, conforme aux principes de la justice, il était même fondé sur les usages locaux de plusieurs communes de la République ; mais votre Comité l’a trouvé onéreux pour le pauvre, et injuste dans ses conséquences ; le riche, en général, fait plusieurs ménages avec ses enfants ; le pauvre n’en forme qu’un ; la même chambre sert de demeure à l’indigent et à sa famille, et il ne connaît pas l’art malheureux de se trouver logé à l’étroit dans un immense palais. »

Ô vertueuse beauté de la promiscuité sordide et de l’entassement !

Mais est-il possible de se porter à l’extrémité opposée, et de répartir les biens communaux, ainsi qu’il a été suggéré, « à raison inverse des propriétés » ? Mais le difficile est d’établir exactement la fortune de chacun.

« Tel est, dans un lieu, riche avec 30 arpents de terre qui, avec la même propriété, serait pauvre dans un autre. Dans la même commune, le propriétaire de 5 arpents de bon terrain est quelquefois plus riche que celui qui en possède 20 de mauvais. Enfin, on peut être très riche et n’avoir pas de propriété. Le fermier est souvent plus riche que le propriétaire dont il exploite le bien. Le commerçant, le capitaliste, l’artisan même ont quelquefois de la fortune, sans avoir de propriété. Dans les pays de petite culture, presque tous les manouvriers de campagne sont propriétaires, et n’en sont pas moins quelquefois dans l’indigence… »

C’est donc au partage par tête que le Comité s’est arrêté, à l’exclusion de ceux qui possédant du bien dans la commune n’en sont pas habitants. Tous les habitants, quels que soient le sexe et l’âge, auront droit à un lot. Les lois seront numérotés et le tirage au sort décidera.

Je n’entre pas dans la controverse agronomique élevée entre le Comité d’agriculture et Souhait. Je note seulement, au point de vue social, la seule objection forte de Souhait. Il constate ce que peut avoir de précaire l’opération et que bien souvent les pauvres seront amenés à se défaire à vil prix de lots d’ailleurs minuscules et inutilisables.

« Dans les pays où le pâturage fait la richesse et la subsistance des habitants, quel parti tireraient-ils chacun de quelques toises de terrain en propriété ? Ce ne serait pas soulager leur misère, prévenir leurs besoins ; ce serait évidemment les aggraver ; ce serait leur offrir une dangereuse amorce pour les faire tomber dans l’abîme : ce serait les engager à vendre ces faibles portions dans l’impossibilité de les tourner à un meilleur usage, les forcer à mettre toute leur fortune dans les mains des grands propriétaires, et aliéner ainsi, en quelque sorte, leur liberté, en perdant leurs moyens de subsistance. Est-ce là le prétendu bien que vous voulez leur faire ? »

À cette objection, le Comité opposait une double réponse : la première, c’est que les communes seraient libres d’admettre ou de repousser le partage ; la seconde, c’est que le Comité lui-même garantissait par la loi, pendant une période de dix ans, l’inaliénabilité des lots :